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Page:Gazette des Beaux-Arts, vol 31 - 1904.djvu/61

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56 GAZETTE DES BEAUX-ARTS doises bleues, les petits manoirs au milieu des saules. Et souvent la Loire met, dans le fond du paysage, un éclair. N'allons donc pas demander à notre vieux peintre des qualités qu’il n’a pas. Qu’il nous suffise de reconnaître en lui un des plus fins observateurs que notre pays ait produits. Fouquet est un artiste d’une espèce rare : il aime tant les êtres et les choses, qu’il ne pense jamais à lui. Il est bien trop occupé de ses personnages pour songer à se faire valoir : aussi, voyez, dans sa Décollation de saint Jacques, par exemple, comme chacun fait bien son devoir ! Le jeune valet, qui n’a encore jamais \u décapiter personne, présente en tremblant l’épée de justice au bourreau. Mais lui — quelque ancien soudard — la prend de l’air d’un homme qui va montrer ce qu’il sait faire. 11 fait un geste de la main, et on croit l’entendre dire au saint de baisser la tête. Et saint Jacques, en effet, baisse la tête avec une complaisance émouvante, comme un homme qui depuis long¬ temps sait obéir à la volonté de Dieu. Finesse d’observation, émotion contenue, léger sourire, art de tout dire d’un mot et de n’exagérer jamais, ces qualités font de Fou¬ quet un maître national. Plusieurs de nos grands hommes lui res¬ semblent. Fouquet est un de nos champions. Au xve siècle il repré¬ sente aussi excellemment la France que Durer l’Allemagne. Il serait fort intéressant d’étudier l’atelier de Fouquet. On verrait quel prestige les œuvres du maître avaient aux yeux de ses élèves. Par exemple, dans un petit livre d’Heures finement enluminé* on r retrouve les principaux motifs des Heures d’Etienne Chevalier. De très beaux livres, comme les Grandes Chroniques de France ", ont été peints par des élèves si pénétrés de l’enseignement du maître qu’on a pu les attribuer à Fouquet lui-même. Le plus remarquable des élèves de Fouquet fut sans aucun doute Jean Bourdichon. Il n’est pas difficile de deviner dans quel atelier ce maître charmant a appris son art. Non seulement il doit à Fou¬ quet presque tous ses procédés, mais il lui a encore emprunté divers motifs que l’on retrouvera sans peine3. On nous excusera d’être bref sur Bourdichon, dont nous avons déjà parlé ici même4 et sur 1. Bibl. Nat., latin 13305. 2. Catalogue, n° 130 (franç. 0*65). 3. Un beau livre d’Heures qui s’est vendu l’an dernier et qui a émigré en Angleterre nous montre Bourdichon travaillant dans l’atelier de Fouquet et col¬ laborant avec ses meilleurs élèves. Une des miniatures, Y Annonciation, est de la main de Bourdichon. k. Gazette des Beaux-Arts, 1902, t. I, p. 185. Aous avons eu le très vif plaisir