Page:Gazette des Beaux-Arts, vol 31 - 1904.djvu/69

La bibliothèque libre.
Cette page n’a pas encore été corrigée

64 GAZETTE DES BEAUX-ARTS avons décrit, ici même, en 1900, la première de ces peintures, expo¬ sée au Pavillon belge (collection Somzéc), nous avons signalé les traits caractéristiques de celte manière âpre et sèche dans le type de la Vierge, « peu séduisant, avec son nez long et pincé, ses yeux minces, trop rapprochés, l’ovale, trop long aussi, de son visage pâle », se détachant dans l’auréole d’une corbeille ronde en joncs tressés, comme ces disques de métal ou d’étoffe dont les dévots ornent encore les tètes de la Vierge et des saints dans les églises d’Espagne ou d’Italie. «... Le dessin est âpre, disions-nous, d’une résolution et d’une saveur remarquable. Les nus sont modelés dans une matière blanche et dure, avec une insistance scrupuleuse et une recherche des saillies qui marquent, chez l’artiste convaincu, autant de con¬ science persistante que d’expérience déjà acquisel. » Est-ce bien au même homme qu’on doit la poétique Nativité avec les bergers du musée de Dijon, et même la petite, mais originale et charmante,\tglorieuse\tavec\tsaint\tPierre, saint Augustin et un moine du musée d’Aix? Sans doute, en cette saison heureuse de pous¬ sées vivaces et hâtives dans les imaginations libérées, les progrès, chez les vrais artistes, sont aussi rapides que leurs transformations sont parfois déconcertantes. Des évolutions de cette sorte ne sont donc pas impossibles. Toutefois, il en faut des preuves évidentes. Ces preuves, les trouvons-nous ici? Dans le tableau d’Aix, la Vierge, sous son auréole circulaire et rayonnante, bizarrement assise, en plein ciel, sur un banc de chêne sculpté, avec son enfantelet gam- billant sur ses genoux, reste bien la sœur cadette de la Vierge si rêche et maussade au nimbe d’osier; mais combien déjà plus ave¬ nante! D'autre part, les perspectives fuyantes d’un admirable paysage très aéré, enveloppent, à ses pieds, d’une lueur si rêveuse, le donateur et les deux saints. Ces trois figures, très sim¬ ples et très vraies tout en rappelant le naturalisme un peu rude de van der Weyden, annoncent déjà le naturalisme plus tendre des écoles de Tours et de Moulins. Le tableau de Dijon2, qui, par tant de détails, semble, d’un côté, tenir encore de très près au commencement du siècle (types, habil¬ lements, coiffures, draperies, etc.), d’autre part, par les souplesses de sa facture savante, si moelleuse par instants et si savoureuse, comme par les adoucissements du type féminin, marque une évolu- 1. G. Lafenestre, La peinture ancienne à l’Exposition de 4900. (Gazette des Beaux- Arts, 1900, t. H, p. 538). 2. V. reprod. dans la Gazette des Beaux-Arts, 1904, t. I, p. 28a.