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Page:Gazette des Beaux-Arts, vol 31 - 1904.djvu/70

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L’EXPOSITION DES PRIMITIFS FRANÇAIS 65 tion plus décisive encore. La Yierge, blonde, ouvrant ses belles mains , agenouillée dans les flots superbes de son manteau blanc, le saint Joseph protégeant de sa main la chandelle allumée, les trois bergers, l'un tenant sa cornemuse, l’autre serrant son feutre contre sa poitrine, sont des figures d’une vérité et d’une ferveur.exquises. Dans les fonds, où un grand fleuve roule ses eaux pâles à travers les sécheresses hivernales d’une campagne dépouillée, le vieux maître se montre,plus que jamais, un paysagiste supérieur. Ce paysage est français, on n’en peut douter, de Picardie ou d’Artois.Si le « maître de Flémalle » est vraiment Jacques Daret, le condisciple en 1427 de Rogier de la Pasture chez Robert Campin, nous savons qu’il tra¬ vailla dix-sept ans à Arras (1441-1458)-et qu’on suit sa carrière au moins jusqu’en 1468. Sa longévité et ses pérégrinations pourraient alors expliquer ces heureuses modifications dans sa manière. Les autres pièces venues de l’Amiénois et de l’Artois ne té¬ moignent pas d’une telle maîtrise. Les plus intéressantes sont les fragments d’une série de huit panneaux provenant de l’abbaye char¬ treuse de Saint-Honoré dans le faubourg de Thuison, à Abbeville. Ces peintures ont été décrites et étudiées, en 1898, dans le plus grand détail, par M. Delignières'. Ce consciencieux érudit les attribuait alors, avec beaucoup de réserves et de discrétion d’ailleurs, à l’école de van der Weyden. Ici, ils nous paraissent vraiment bien peu fla¬ mands. On y peut voir, plutôt,-les productions d’une école locale, incertaine et retardataire, mais honnête et sincère, comme il y en eut alors beaucoup à l’écart des centres directeurs. L’artiste, timide, un peu gauche, s’y montre assez empêtré dans les scènes compli¬ quées. Il réussit mieux dans les figures isolées, comme le Saint Hugues caressant son grand cygne. Dans un accord, tendre et déli¬ cat, de blancheurs et de puretés légendaires, cette peinture, mince et transparente, prend des accents d’une douceur pénétrante. VIII Voici la salle des Méridionaux. Dès l’entrée, on s’y sent réjoui, réchauffé, exalté. Moins de miniatures agrandies, charmantes et lé¬ gères. De tous côtés, de la vraie, de la bonne peinture, substan¬ tielle, colorée, lumineuse! Plus de variété aussi dans les sujets, 1. Em. Delignières, Notice sur plusieurs anciennes peintures inconnues de l’école flamande (tome XXII de la Réunion des Sociétés des Beauæ-Arts des départements, p. 305-334. Paris, Pion, 1898). xxxii. — 3e période.\t9