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Page:Gazette des Beaux-Arts, vol 31 - 1904.djvu/78

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72 GAZETTE DES BEAUX-ARTS tableau de la Vierge de Miséricorde du Musée Condé, reproduit plus haut dans l’article de M. Paul Durrieu, n’augmenterait point les chances de sa candidature. Il n’y a vraiment nui rapport entre la facture légère, mince, argentée des deux Vierges, la triomphante, la protectrice, et l'exécution puissante, grasse, colorée, intense de la Pietà, non plus qu'entre les styles des deux maîtres, dont l’un est si tendre, l’autre si énergique. Pierre Villatte, il est vrai, mort en 1504 ou 1505, vécut beaucoup plus longtemps sans doute que Cha- ronton, dont on perd la trace dès 1461 ; sa collaboration, en 1453, fut, probablement, celle d’un élève travaillant sous un maître; sa ma¬ nière put se modifier par la suite. Pourtant, retenons provisoirement, de préférence, le nom de Jean Ghangenet, Bourguignon de race, Bourguignon d’éducation, Bourguignon de relations, bayle de la con¬ frérie de Saint-Luc, patron d’un atelier très achalandé, marié à une riche Avignonnaise, gros propriétaire, accablé de commandes loin¬ taines. Il serait bien surprenant que l’abbé Requin ou quelque autre passionné fureteur d’archives ne restituât pas sa gloire tardive à un tel personnage, si laborieux et si considéré, qui, comme Villatte et d’autres, tient beaucoup plus de place dans les documents écrits que Charonton et que Froment. Pour les peintures de ces derniers, rien de nouveau à dire. Après notre maître Paul Mantz, en 1878, nous avons longuement parlé, ici même, en 1900, du Buisson ardent et du Triomphe de la Vierge, lorsque nous les retrouvâmes au Petit Palais, après les avoir, autre¬ fois, admirés à Aix et à Villeneuve*. Chaque fois, pourtant, que de telles œuvres repassent sous nos yeux, n’y trouve-t-on pas, sur cer¬ tains points, des émotions plus vives, plus profondes, toujours inat¬ tendues? Ce qui nous y frappe aujourd’hui, après la beauté sereine et affable, dans l’un, expressive et forte, dans l’autre, des figures, c’est la place importante qu’y prennent l’aération, la lumière, les végétations, les constructions, le monde extérieur, comme dans tous les tableaux de la région. Est-ce Charonton et Nicolas Froment qui, les premiers, ouvrirent si largement, si franchement, les yeux de leurs contemporains aux séductions éclatantes et saines de la vie des choses ? Malgré la valeur des deux hommes, faut-il se hâter d’en faire les seuls chefs de l’école, et de leur attribuer, à Froment en particulier, tant d’ouvrages divers? La prudence nous commande bien des réserves sur ce point. 1. V. Gazette des Beaux-Arts, 1900, t. II, p. 383-390. — V. reprod. du Buisson ardent dans ta Gazette des Beaux-Arts, 1877,1.1, p. 337, et 1904, t. I, p. 269.