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Page:Gazette des Beaux-Arts, vol 31 - 1904.djvu/86

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80 GAZETTE DES BEAUX-ARTS Gérard de Haarlem passé dè la .même collection dans le musée du Louvre. L’attribution s’appuie surdès postures des crucifiés, semblables à celles du Calvaire d’Anvers (niais'qu’on retrouve souvent ailleurs), sur la fermeté du style, la beauté de l’éclairage. On ne saurait nier, en effet, certains rapports avec des œuvres ilamandes etvénitiennes, mais c’est le cas d’un grand nombre de peintures contemporaines, notamment dans les régions provençales et piémontaises. Jusqu’à preuve contraire et décisive, l’architecture, franchement gothique et flamboyante, du clocher et de la chapelle voisine, celle des fortifica¬ tions délabrées qui les entourent, le type, l’habillement, la physio¬ nomie, la facture, délicate et minutieuse, du vieux donateur agenouillé nous font croire à une origine de provinces alpestres. La pièce, d’ail¬ leurs, malgré quelque usure, est admirable, autant par les attitudes grandioses des pleureuses accablées que par la splendeur intense du crépuscule empourpré qui enveloppe, apaise, endort leurs saintes douleurs dans une caresse profonde de chaleur recueillie et de lumière divine. Quelle tranquillité, quel silence encore dans la cour, au loin dé¬ serte, de ce manoir féodal où, sous un porche, l’Enfant Jésus, assis sur un coussin, une main sur le globe, l’autre dressée, semble faire déjà un petit sermon! Pour l’adorer, s’agenouillent, d’un côté, une Vierge provençale, moins naïve, plus distinguée, presque élégante, aux cheveux enrubannés, et, de l’autre côté, un bon chevalier, por¬ tant une cuirasse éclatante et un jupon de velours galonné d’or. Derrière celui-ci s’avance un évêque, au visage sanguin, superbement chargé d’une dalmatique en brocart à ramages et d’orfèvreries pré¬ cieuses sur la poitrine et aux doigts, qui soulève, avec respect, sa mitre, par un geste humble et gauche, rappelant celui du guerrier saint Georges, à Bruges, soulevant son casque dans la même circon¬ stance, derrière le chanoine G. van der Paele. Que l’auteur de ce tableau V Enfant Jésus adoré par la Vierge, un chevalier et un évêque ait vu des van Eyck, des peintres lombards, des Giorgione peut-être, qui en douterait ? Mais, s’il a beaucoup vu, comme il a bien et librement compris ! Gomme il s’est poétiquement assimilé, au Nord et au Midi , ce qui pouvait lui convenir! Comme, en fait, il est original et personnel et sans aucun rapport, d’ailleurs, avec Gérard de Haarlem sous le nom duquel, sur l’affirmation aussi péremptoire qu’aventu¬ reuse donnée par Waagen, on l’exposait au musée d’Avignon! C’est du même et riche musée que vient aussi ce délicieux panneau à deux faces : le Saint Michel et Y Annonciation. Ce saint Michel