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84 GAZETTE DES BEAUX-ARTS plutôt sur un principe d’ornementation polychrome, que dues à une obéissance absolue à la nature, que ce sont là des harmonies sur un thème fourni à l'instant de l’esquisse par les grâces de l’heure et ses alliancès de couleurs, harmonies exécutées non par un virtuose, mais par un maître symphoniste doué d’une sensibilité profonde et d’une imagination infiniment fraîche, vivace et inventive. Il n’en est rien. Ce sont des tableaux élaborés d’après des notations exactes; c’est une lutte avec la déroutante mobilité de l’atmosphère, avec le protéisme du jour laissant tomber à tout instant dans la mort du temps de nouvelles parures et des voiles de reflets. S’il est vrai que Turner aima juxtaposer certains Turner à cer¬ tains Claude Lorrain, on concevrait qu’on plaçât certains Monet à côté de certains Turner. Ce serait comparer deux aboutissements, rapprocher deux dates de l’Impressionnisme, ou plutôt — car les appellations d’école sont décevantes et « Impressionnisme » ne signifie que par les traînes des échos que ce mot évoque (englobant la présence d’influences de Vermeer, d’Ingres, de Delacroix, de Corot, de Turner et des nouveautés de paysage, en même temps que l’étude neuve de la rue et des villes), ce serait rapprocher deux dates d’une histoire de la sensibilité visuelle. La beauté profonde et étudiée de ces vues de la Tamise répond aux objections élevées contre les paysagistes de l’Impressionnisme pour la rapidité de leur labeur et la prestesse évocatrice de leurs études. C’est dans son empressement à fixer la minute exceptionnelle, à saisir Pan par une boucle de sa toison et l’arrêter un instant dans sa fuite, et par la création de moyens cursifs de traduction parfaite, que Claude Monet est arrivé à donner des ensembles si harmoniques, où aucun détail d’analyse n’est oublié, où tous les voisinages et les passages des tons, sont, d’une touche, représentés. A aucun mo¬ ment, d’ailleurs, les Impressionnistes ne se sont bornés à des études. Il suffit de rappeler les portraits étudiés de Manet, les Cueillettes de pommes de Pissarro, le Portrait de Mme Charpentier de Renoir. La technique pointilliste fut créée pour les besoins de grands tableaux décoratifs. C’est en accentuant sa tendance de portraitiste à l’achevé, au synthétique que conclut Renoir, en sa seconde manière, essayant de fondre et de cerner les nuances, de combiner la sensibilité du moderne et la précision de contours des Primitifs. Les séries de Monet, ses Antibe, scs Nénuphars, ses Peupliers, ses Cathédrales, conçues dans un système de notations parallèles figurant