Page:Gilson - Celles qui sont restées, 1919.djvu/157

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Jean dit :

— Merci !

Il m’abandonne d’une dernière pression, profonde comme une bénédiction, me remet doucement contre le dossier du fauteuil et, d’un geste changé, un geste de tendresse, d’amitié, un geste intime de vieil ami, il baise longuement mes doigts. Et sa voix ferme et basse, que j’entends dans tous mes rêves, sa voix de force et de consolation dit :

— Venez encore, Jeanne, aimez-moi si vous le pouvez… Mais gardez-vous, bien-aimée, j’aime mieux votre bonheur. Nous allions le briser ! Je vous rends à vous.

De quel élan d’amour je suis tombée à tes genoux, Jean de bonté, Jean de miséricorde que j’ai adoré depuis d’une ferveur montant vers toi comme la flamme immobile d’un sacrifice continuel !

Ce baiser sur mes yeux ruisselants, dans ce baptême de larmes sanctifiantes, est le seul baiser que j’ai reçu des lèvres pieuses de mon amant…


IV


Ils disent que Jean est léger, faible, changeant, un peu femme. C’est cela, ils l’ont dit : du dilettantisme en pot-pourri…