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Page:Gilson - Celles qui sont restées, 1919.djvu/162

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tournées, porteuse d’une jolie valise de dentelles. Mais pendant la guerre, il n’y a plus d’eau minérale, on ne vend plus de dentelle : le vicomte avoue, en toussotant, une situation gênée… et la vicomtesse se rend discrètement, le matin, un pot dans son réticule de soie noire, à la distribution de soupe quotidienne… Les petits vicomtes ont des faces énormes et blêmes, et de toutes petites jambes grêles étoilées de boutons rouges… Allons, la petite caisse se vide…

— Mademoiselle Laure ?

Mademoiselle Laure, première chez le mercier, toute pimpante et correcte dans son « tailleur » noir, lève vers moi un visage boursouflé de larmes refoulées.

— Je passais… je venais voir… Rien encore de mon petit ?

Mademoiselle Laure a un fils. Il est parti. Voilà huit mois qu’elle est sans nouvelles du petit carabinier… Patience, Mademoiselle Laure, nous y arriverons. J’en aurai, je vous le promets. Mademoiselle Laure secoue sa tête bien coiffée.

— Non, Mademoiselle… Le père m’a déjà abandonnée, dans le temps. Si le fils me laisse aussi, je ne serai pas embarrassée. Il y a les étangs, Mademoiselle.

Je rentre dans mon petit salon. Près du fauteuil