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Page:Gilson - Celles qui sont restées, 1919.djvu/190

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Les travaux de Jean. L’écriture de Jean, très noire, aimée physiquement, comme une chose vivante. Les phrases créées par Jean avec son tour d’esprit particulier comme un sourire derrière les mots… Les découragements de Jean, les ineffables minutes où il les dépose sur mes genoux, pour que je les ranime. La suavité exquise de la tristesse à deux…



La première fois que nous avons trouvé ensemble l’apaisement. Mon petit salon d’hiver, tout clos, tout orangé par les reflets du feu. Les arbustes, dehors, comme de lourds bonshommes de neige, sur le ciel blanc. Nous causons longtemps, à mi-voix, des choses de sa vie, de la mienne. Et puis, nous nous regardons en souriant. Nous sommes surpris, ravis de nous trouver enfin sans hâte, ni fièvre, ni désirs, ni regrets. Nous avons pu goûter doucement le bonheur d’être ensemble. Nous n’avons pas gâché cette heure par d’insidieuses amertumes.

Je dis tout bas :

— Jean ! nous avons trouvé la paix…