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Page:Gilson - Celles qui sont restées, 1919.djvu/209

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La mansarde est nue, peuplée seulement de grandes ombres dansantes, de hardes et de vermine. La bougie meurt comme un petit cierge jaune. L’agonisant, qui essaie de mourir, étouffe.

Mais, au-dessus des râles de la mort et du sommeil mêlés, qui m’a parlé de cette voix suave comme un cantique ?

Jean ! tu es là…

Mon doux ami, mon doux chéri perdu, c’est toi, n’est-ce pas ? Je t’entends. Oui, c’est ton sourire, ta douce voix, tes yeux tristes, c’est toi ! Qui t’a amené ? Viens-tu m’aider ? Tu le vois, je soutiens ce verre aux lèvres de ce mourant… Est-ce à tes lèvres que je le porte ? Est-ce ta bouche expirante que j’abreuve, là-bas où ils t’ont laissé mourir ? C’est toi que j’ai dans mon bras protecteur. Je suis près de toi, mon Jean, je t’ai relevé, je t’ai trouvé enfin…

— Ma pauvre femme, il faut vous réveiller. Restez à genoux. Au nom du Père et du Fils…

Jean ! regarde ! Baisse-toi.

Ne te désespère plus de m’avoir délaissée.

Je monte… j’apprends.

J’entre déjà dans la lumière…