Page:Gilson - Celles qui sont restées, 1919.djvu/232

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l’amour que le mien ! C’est mon amour seul qui vous l’a enseigné, qui vous en a fait deviner la beauté immortelle… C’est vous qui ne savez pas, non, vous ne savez rien, personne ne sait rien, le monde tout entier ne sait rien ! Moi seul, je sais ! Ah ! oui ! que c’est beau, que c’est douloureux et superbe d’aimer ainsi ! Je vous adore, Madeleine ! Je vous adore comme un chef-d’œuvre de Dieu… votre âme et votre corps… chaque geste qui est une harmonie, et chaque pensée qui m’émeut comme une prière… Je vous adore des yeux, des lèvres, des mains… en pensant et en dormant… Tout mon être, près de vous, n’est plus qu’une prosternation…

Madeleine. — François…

François. — C’est comme si ma vie s’en allait, s’écoulait vers vous… je ne peux plus la retenir… Madeleine, Madeleine, belle… douce… sainte… adorée… éternelle… (Il est glissé à ses genoux, et les derniers mots se perdent dans l’étoffe de sa robe.)

Madeleine, tremblante aussi, et presque apeurée de la violence de son émotion. — Ah ! François… pardonnez-moi… oui… oui… vous m’aimez… vous m’aimez…

François. — Non, Madeleine ! Vous vous trompez encore… car maintenant c’est moi que