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Page:Gilson - Celles qui sont restées, 1919.djvu/241

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Madeleine. — C’est moi ! C’est Madeleine ! C’est ta femme, François !

François. — Tu n’es plus une femme… Tu es trop grande !

Madeleine. — François ! Tu me fais peur ! Tu me fais une peur horrible ! Qu’as-tu ?

François, haletant. — Déjà, quand la guerre est venue, c’est en toi que s’est identifiée la patrie… Tu grandissais… Est-ce à toi, ou à elle, que j’ai donné ma vie ?…

Madeleine. — Je t’en supplie, François.

François. — Et tu grandis toujours ! emporte-moi…

Madeleine. — Amant chéri, je ne veux pas te perdre ! Regarde, comme je te tiens… Regarde, comme je te serre… Ne me quitte pas, François, ne me quitte pas !

François, très bas. — Est-ce toi qui as grandi… ou est-ce mon amour ! Je lui ai tout donné… il est devenu trop grand… trop grand pour toi… il n’est plus fait pour cette terre… il est trop haut… Il monte encore !

Madeleine, le serrant follement dans ses bras. — Tu ne m’aimes plus ! Où es-tu ? Que cherches-tu là-haut, de tes abominables yeux qui ne me voient plus… On dirait que tu m’as perdue… que tu m’as dépassée…