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XV
Préface.

l’infaillibilité de leur jugement privé. Ainsi, pour en revenir à l’esprit dans lequel nous avons composé notre Introduction, l’autorité de la tradition et celle de l’Eglise, colonne inébranlable de la vérité[1], a été notre seul guide dans les choses qui touchent là la foi ; et dans celles qui sont de pure opinion, le sentiment généralement reçu parmi les interprètes les plus sages et les plus éclairés nous a paru préférable à celui de ces esprits téméraires et audacieux, qui, dans les efforts de leur imagination, ne reconnaissent ni bornes ni limites. Il est vrai que cette méthode est traitée par les rationalistes d’empirisme aveugle et superstitieux, qui empêchera toujours la science biblique de faire le moindre progrès ; mais nous aimons mieux nous soumettre au joug d’une autorité qui, indépendamment de tant d’autres titres augustes, peut produire en sa faveur le témoignage unanime de tous les siècles, que de subir celui d’un système qui varie au gré de ses partisans. D’ailleurs ce reproche porte sur un faux supposé. Jamais il n’a été défendu à un interprète catholique de chercher, par tous les moyens que la critique met en son pouvoir, à éclaircir les endroits obscurs et difficiles de nos livres saints ; seulement il tient pour fidèles et véritables les interprétations qui ont toujours été données dans l’Eglise d’après une tradition constante et unanime. Après tout, les rationalistes ne sont pas exempts, comme on pourrait le croire, de cet empirisme qu’ils nous reprochent ; ils ont au contraire leurs préjugés dogmatiques, dont il leur faut aveuglément subir l’autorité : c’est ainsi, par exemple, qu’ils sont obligés de rejeter, avant toute discussion, les mystères, les miracles, l’existence et même la possibilité d’une révélation divine ; car il suffit d’admettre un seul de ces points, qui forment cependant la base fondamentale de toute religion, pour détruire le rationalisme de fond en comble ; ce qui est dire en d’autres termes que le rationalisme est incompatible avec une religion révélée. Or, dans cet état de choses, l’autorité de la tradition et de l’Eglise n’est-elle pas un joug plus doux et plus léger que le rationalisme lui-même ?

Nous avons pu, dans certaines difficultés, hasarder des solutions qui, aux yeux de plus d’un lecteur, paraîtront peut-être un peu hardies ; mais pour ne pas qu’on se méprenne sur nos véritables intentions à cet égard, nous avouerons que, dans ce cas, nous n’avons point prétendu manifester notre propre sentiment ; nous avons voulu seulement ôter par ce moyen toute réplique à certains esprits qui, dans les questions où l’autorité et la raison semblent se disputer le plus ou moins d’influence, se déclarent ordinairement pour cette dernière. Car nous sommes très-persuadé que dans les difficultés particulières de quelques passages d’un livre divinement inspiré comme est la Bible, une disposition sincère à professer l’ensemble de la foi est bien plus propre à nous rapprocher de la vérité que nous cherchons, que tous les efforts imaginables dont le but est de tout ramener à nos idées particulières.

  1. 1 Timoth., III, 15.