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Page:Goethe-Nerval - Faust Garnier.djvu/262

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PHORKYAS.

Séparés du monde, ils n’appelaient que moi seule pour les servir. J’étais auprès d’eux honorée de leur confiance ; mais, comme cela convient aux confidentes, je regardais autour de moi, je m’adressais partout, cherchant des racines, des mousses et des écorces dont je connaissais l’efficacité, et ils restaient seuls.

LE CHŒUR.

Tu parles comme si un monde entier était là dedans : des forêts et des prairies, des ruisseaux et des lacs ; quels contes nous récites-tu donc ?

PHORKYAS.

Sans doute, inexpérimentées que vous êtes, ce sont des profondeurs que vous n’avez point sondées ; des salles et des cours partout, que je découvrais à force de chercher. Tout à coup j’entends des éclats de rire résonnant dans la caverne ; j’y porte mes regards, et je vois un jeune garçon sautant du sein de la mère vers le père, du père vers la mère ; les badinages, les cajoleries, les agaceries du fol amour m’étourdirent. Nu, un génie sans ailes, un faune sans animalité, il bondit sur la terre ferme ; mais le sol, par la réaction, le fait sauter au milieu des airs, et, au second, au troisième saut, il touche à la voûte. La mère, pleine d’angoisses, s’écrie : « Bondis toujours ainsi et selon ton loisir ; mais garde-toi de voler, car le vol ne t’est pas permis. » Et le père lui donne des exhortations : « L’élasticité qui te pousse en haut est dans la terre ; touche le sol seulement du doigt du pied, et tu seras bientôt fort comme le fils de la terre, Antée. » Conformément à ces paroles, il sautille sur la masse du rocher d’une pente à l’autre, comme saute une balle au jeu de paume ; mais tout à coup il disparaît dans la fente du gouffre, et il nous semble perdu. La mère se lamente, le père la console, et, moi, haussant les épaules, je me tiens debout. Et de nouveau quelle apparition ? Est-ce qu’il y a