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Page:Goethe-Nerval - Faust Garnier.djvu/28

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pensée est donc de se donner la mort ; mais les cloches et les chants de Pâques lui font tomber des mains la coupe empoisonnée. Il se souvient que Dieu a défendu le suicide, et se résigne à vivre de la vie de tous, jusqu’à ce que le Seigneur daigne l’appeler à lui. Triste et pensif, il se promène avec son serviteur, le soir de Pâques, au milieu d’une foule bruyante, puis dans la solitude de la campagne déserte, aux approches du soir. C’est là que ses aspirations s’épanchent dans le cœur de son disciple ; c’est là qu’il parle des deux âmes qui habitent en lui, dont l’une voudrait s’élancer après le soleil qui se retire, et dont l’autre se débat encore dans les liens de la terre. Ce moment suprême de tristesse et de rêverie est choisi par le diable pour le tenter. Il se glisse sur ses pas sous la forme d’un chien, s’introduit dans sa chambre d’étude, et le distrait de la lecture de la Bible, où le docteur veut puiser encore des consolations. Se révélant bientôt sous une autre forme et profitant de la curiosité sublime de Faust, il vient lui offrir toutes les ressources magiques et surnaturelles dont il dispose, voulant lui escompter, pour ainsi dire, les merveilles de la vie future, sans l’arracher à l’existence réelle. Cette perspective séduit le vieux docteur, trop fort de pensée, trop hardi et trop superbe pour se croire perdu à tout jamais par ce pacte avec le démon. Celui dont l’intelligence voudrait lutter avec Dieu lui-même saura bien se tirer plus tard des pièges de l’esprit malin. Il accepte donc le pacte que lui accorde le secours des esprits et toutes les jouissances de la vie matérielle, jusqu’à ce que lui-même s’en soit lassé et dise à sa dernière heure : « Viens à moi, tu es si belle ! » Une si large concession le rassure tout à fait, et il consent enfin à signer ce marché de son sang. On peut croire qu’il ne fallait rien de moins pour le séduire ; car le diable lui-même sera bientôt embarrassé des fantaisies d’une volonté infatigable. Heureusement pour lui, le vieux savant, enfermé toute sa vie dans son cabinet, ne sait rien des joies du monde et de l’existence humaine, et ne les connaît que par l’étude, et non par l’expérience. Son cœur est tout