Page:Goethe-Nerval - Faust Garnier.djvu/337

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jouissons-nous ! et traitons-la comme une maîtresse chérie ; qu’elle occupe la place de la dame de la maison.

Et que la sagesse, cette vieille marâtre, se garde bien de l’offenser.

Je connais sa sœur aussi : moins jeune, plus posée, elle est ma paisible amie. Oh ! puisse-t-elle ne jamais me quitter avant que ma vie s’éteigne, celle qui fit si longtemps mon bonheur et ma consolation : l’Espérance !



LA NOBLE FEMME D’AZAN-AGA

Complainte imitée du morlaque.


Qu’aperçoit-on de blanc, là-bas, dans la verte forêt ?… de la neige ou des cygnes ? Si c’était de la neige, elle serait fondue ; des cygnes, ils s’envoleraient. Ce n’est pas de la neige, ce ne sont pas des cygnes, c’est l’éclat des tentes d’Azan-Aga. C’est là qu’il est couché, souffrant de ses blessures ; sa mère et sa sœur sont venues le visiter ; une excessive timidité relient sa femme de se montrer à lui.

Mais ses blessures vont beaucoup mieux, et il envoie dire ceci à son épouse fidèle : « Ne m’attends plus à ma cour, tu ne m’y verras plus, ni parmi les miens. »

Lorsque l’épouse eut reçu ces dures paroles, elle resta interdite et profondément affligée : voilà qu’elle entendit les pas d’un cheval devant la porte ; elle crut que c’était son époux Azan qui venait, et monta dans sa tour pour s’en précipiter à sa vue. Mais ses deux filles s’élancèrent effrayées sur ses pas en versant des larmes amères : « Ce n’est point le cheval de notre père Azan, c’est ton frère Pintorovitch qui vient. »

Et l’épouse d’Azan court au-devant de son frère, l’entoure de ses bras en gémissant : « Vois la honte, mon frère, où ta sœur est réduite… Il m’a abandonnée !… la mère de cinq enfants ! »