Page:Goethe-Nerval - Faust Garnier.djvu/362

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une longue chaîne s’établit autour de l’incendie, le seau vole de mains en mains, et partout l’eau des pompes s’élance en arcades… Mais voilà que l’aquilon vient en rugissant tourbillonner dans la fournaise… C’en est fait !… La flamme a gagné les greniers où s’entassent de riches moissons, s’attache aux bois desséchés ; puis, comme si elle voulait, dans sa fuite puissante, entraîner avec soi tout le poids de la terre, elle s’élance au ciel en forme gigantesque. — L’homme a perdu tout espoir ; il fléchit sous la main du sort, et désormais assiste à la destruction de ses œuvres, immobile et consterné.

Tout est vide et brûlé ! Maintenant, la tempête seule habitera ces ruines ceintes d’effroi, et qui ne verront plus passer que les nuages du ciel.

Un dernier regard vers le tombeau de sa fortune, et l’homme s’éloigne : il a repris le bâton du voyage… C’est tout ce que l’incendie lui a laissé. Mais une douce consolation l’attend au départ : il compte les têtes qui lui sont chères, et toutes ont survécu !

« La terre a reçu le métal, et le moule est heureusement rempli : mais verrons-nous enfin le succès couronner notre zèle et notre habileté ?… Si la fonte n’avait pas réussi ! si le moule se brisait ! Ah ! pendant que nous nous livrons à la joie, le mal peut-être est déjà consommé ! »

Nous confions l’œuvre de nos mains au sein ténébreux de la terre : le laboureur lui confie sa semence avec l’espoir que la bénédiction du ciel en fera jaillir des moissons. Ce que nous y déposons avec crainte est plus précieux encore ; puisse-t-il sortir aussi du tombeau pour un destin glorieux !

De son dôme élevé, la cloche retentit lourde et sombre aux pompes des funérailles ; ses accents solennels accompagnent l’homme à son dernier voyage. Ah ! c’est une fidèle épouse, c’est une tendre mère, que le prince des ombres arrache aux bras de son époux, aux enfants nombreux que, jeune encore, elle éleva sur son sein avec un amour inépuisable. Hélas ! ces liens de famille sont rom-