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Page:Goethe-Nerval - Faust Garnier.djvu/385

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Cunégonde, se tournant d’un air railleur vers le chevalier de Lorge : « Sire chevalier, prouvez-moi donc ce profond amour que vous me jurez à toute heure en m’allant relever ce gant. »

Et le chevalier se précipite dans la formidable arène, et d’une main hardie va ramasser le gant au milieu des combattants.

Tous les yeux se promènent de la dame au chevalier avec étonnement, avec effroi… Celui-ci revient paisiblement vers Cunégonde, et de toutes les bouches sort un murmure d’admiration. La dame le reçoit avec un doux sourire, présage d’un bonheur assuré… Mais le chevalier, lui jetant le gant avec dédain : « Point de remerciements, madame ! » Et il la quitte toute confuse d’une telle leçon.




L’IDÉAL


Tu veux donc, infidèle, te séparer de moi, avec tes douces illusions, tes peines et tes plaisirs ? Rien ne peut arrêter ta fuite, ô temps doré de ma jeunesse ! c’est en vain que je te rappelle… Tu cours précipiter tes ondes dans la mer de l’éternité !

Ils ont pâli, ces gais rayons qui jadis éclairaient mes pas ; ces brillantes chimères se sont évanouies, qui remplissaient le vide de mon âme : je ne crois plus aux songes que mon sommeil m’offrait si beaux et si divins, la froide réalité les a frappés de mort !

Comme Pygmalion, dans son ardeur brûlante, embrassait un marbre glacé, jusqu’à lui communiquer le sentiment et la vie, je pressais la nature avec tout le feu de la jeunesse, afin de l’animer de mon âme de poëte.

Et, partageant ma flamme, elle trouvait une voix pour me répondre, elle me rendait mes caresses, et comprenait les battements de mon cœur : l’arbre, la rose, tout pour moi naissait à la vie, le murmure des ruisseaux me flat-