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Page:Goethe-Nerval - Faust Garnier.djvu/462

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chaise, la tête dans ses deux mains, et sa poitrine oppressée exhalait à grand’ peine un profond soupir.

« Qu’avez-vous ? lui demandai-je avec intérêt.

— Oh ! monsieur, ce vilain homme qui a si mal agi avec nous, qui m’a relancé jusque dans ce cabaret, ma retraite ordinaire, où j’aime à rester seul, à peine visité de temps à autre par quelque gnome qui vient s’accroupir sous la table et grignoter quelques miettes de pain ; ce méchant homme m’a replongé dans ma plus cruelle infortune… Hélas ! j’ai perdu, à jamais perdu mon… Adieu ! »

Il se leva et traversa le caveau pour sortir : tout restait éclairé autour de lui ; il ne projetait aucune ombre. Je m’élance à sa poursuite avec transport.

« Pierre Schlemihl ! Pierre Schlemihl ! » m’écriai-je tout joyeux.

Mais il avait jeté ses pantoufles ; je le vis enjamber par-dessus la caserne des gendarmes, et disparaître dans l’obscurité.

Lorsque je voulus rentrer dans le caveau, l’hôte me jeta la porte au nez en s’écriant :

« Le bon Dieu me garde de pareils hôtes ! »