Page:Goethe-Nerval - Faust Garnier.djvu/53

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MÉPHISTOPHÉLÈS.

Sans doute. Celui-là vous sert d’une manière étrange. Chez ce fou rien de terrestre, pas même le boire et le manger. Toujours son esprit chevauche dans les espaces, et lui-même se rend compte à moitié de sa folie. Il demande au ciel ses plus belles étoiles et à la terre ses joies les plus sublimes ; mais rien, de loin ni de près, ne suffit à calmer la tempête de ses désirs.

LE SEIGNEUR.

Il me cherche ardemment dans l’obscurité, et je veux bientôt le conduire à la lumière. Dans l’arbuste qui verdit, le jardinier distingue déjà les fleurs et les fruits qui se développeront dans la saison suivante.

MÉPHISTOPHÉLÈS.

Voulez-vous gager que celui-là, vous le perdrez encore ? Mais laissez-moi le choix des moyens pour l’entraîner doucement dans mes voies.

LE SEIGNEUR.

Aussi longtemps qu’il vivra sur la terre, il t’est permis de l’induire en tentation. Tout homme qui marche peut s’égarer.

MÉPHISTOPHÉLÈS.

Je vous remercie. J’aime avoir affaire aux vivants. J’aime les joues pleines et fraîches. Je suis comme le chat, qui ne se soucie guère des souris mortes.

LE SEIGNEUR.

C’est bien, je le permets. Écarte cet esprit de sa source, et conduis-le dans ton chemin, si tu peux ; mais sois confondu, s’il te faut reconnaître qu’un homme de bien, dans la tendance confuse de sa raison, sait distinguer et suivre la voie étroite du Seigneur.

MÉPHISTOPHÉLÈS.

Il ne la suivra pas longtemps, et ma gageure n’a rien à craindre. Si je réussis, vous me permettrez bien d’en