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Page:Goethe-Nerval - Faust Garnier.djvu/55

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PREMIÈRE PARTIE


La nuit, dans une chambre à voûte élevée, étroite, gothique. Faust, inquiet, est assis devant son pupitre.


FAUST, seul.

Philosophie, hélas ! jurisprudence, médecine, et toi aussi, triste théologie !… je vous ai donc étudiées à fond avec ardeur et patience : et maintenant me voici là, pauvre fou, tout aussi sage que devant. Je m’intitule, il est vrai, maître, docteur, et, depuis dix ans, je promène çà et là mes élèves par le nez. — Et je vois bien que nous ne pouvons rien connaître !… Voilà ce qui me brûle le sang ! J’en sais plus, il est vrai, que tout ce qu’il y a de sots, de docteurs, de maîtres, d’écrivains et de moines au monde ! Ni scrupule, ni doute ne me tourmentent plus ! Je ne crains rien du diable, ni de l’enfer ; mais aussi toute joie m’est enlevée. Je ne crois pas savoir rien de bon en effet, ni pouvoir rien enseigner aux hommes pour les améliorer et les convertir. Aussi n’ai-je ni bien, ni argent, ni honneur, ni domination dans le monde : un chien ne voudrait pas de la vie à ce prix ! Il ne me reste désormais qu’à me jeter dans la magie. Oh ! si la force de l’esprit et de la parole me dévoilait les secrets que j’ignore, et si je n’étais plus obligé de dire péniblement ce que je ne sais pas ; si enfin je pouvais connaître tout ce que le monde cache en lui-même, et, sans m’attacher davantage à des mots inutiles, voir ce que la nature contient de secrète énergie et de semences éternelles ! Astre à la lumière argentée, lune silencieuse, daigne pour la dernière fois jeter un regard