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Page:Guy de Maupassant - Notre Cœur.djvu/230

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Mariolle, lui, était à bout de forces. Toute sa misère, tout son malheur, tout son chagrin, toute son irrémédiable déception bouillonnaient en son cœur depuis qu’il avait franchi cette porte. Il n’en pouvait plus, il n’en voulait plus. Il allait partir pour ne point revenir.

Quand il prit congé de Mme de Burne, elle lui dit adieu d’un air distrait.

Les deux hommes se trouvèrent seuls dans la rue. Le vent ayant tourné, le froid de la journée avait cessé. Il faisait chaud et doux, ainsi qu’il fait doux deux heures après une giboulée, au printemps. Le ciel, plein d’étoiles, vibrait, comme si, dans l’espace immense, un souffle d’été eût avivé le scintillement des astres.

Les trottoirs étaient redevenus gris et secs, tandis que sur les chaussées, des flaques d’eau luisaient encore sous le gaz.

Lamarthe dit :

— Quel homme heureux, ce Prédolé !… Il n’aime qu’une chose, son art, ne pense qu’à cela, ne vit que pour cela, et cela emplit, console, égaye, fait heureuse et bonne son existence. C’est vraiment un grand artiste de la vieille race. Ah ! il ne s’inquiète guère des femmes, celui-là, de nos femmes à colifichets, à dentelles et à déguisements. Avez-vous vu comme il a fait peu d’attention à nos deux belles dames, qui étaient pourtant très séduisantes ? Mais il lui faut de la pure plastique, à lui, et non de l’arti-