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Page:Guy de Maupassant - Une vie.djvu/296

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celui qui a envie du château. Sans ça, dans quatre ans, vous n’auriez plus un radis. »

Jeanne restait anéantie, répétant : « Je ne pourrai pas ; je ne pourrai jamais. »

Une heure plus tard, le facteur lui remit une lettre de Paul qui demandait encore dix mille francs. Que faire ? Éperdue, elle consulta Rosalie qui leva les bras : « Qu’est-ce que je vous disais, Madame ? Ah ! vous auriez été propres tous les deux si je n’étais pas revenue ! » Et Jeanne, pliant sous la volonté de sa bonne, répondit au jeune homme :

« Mon cher fils, je ne puis plus rien pour toi. Tu m’as ruinée ; je me vois même forcée de vendre les Peuples. Mais n’oublie point que j’aurai toujours un abri quand tu voudras te réfugier auprès de ta vieille mère que tu as bien fait souffrir.

« Jeanne. »

Et lorsque le notaire arriva avec M. Jeoffrin, ancien raffineur de sucre, elle les reçut elle-même et les invita à tout visiter en détail.

Un mois plus tard, elle signait le contrat de vente, et achetait en même temps une petite maison bourgeoise sise auprès de Goderville, sur la grand’route de Montivilliers, dans le hameau de Batteville.

Puis, jusqu’au soir elle se promena toute seule dans l’allée de petite mère, le cœur déchiré et l’esprit en détresse, adressant à l’horizon, aux arbres, au banc vermoulu sous le platane, à toutes ces choses si connues qu’elles semblaient entrées dans ses yeux et dans son âme, au bosquet, au talus devant la lande où elle s’était si souvent assise, d’où elle avait vu courir vers