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1844.


PORTRAITS.


I

LE GRAND-DUC MICHEL.


Le grand-duc Michel, frère de l’empereur de Russie, a en ce moment une quarantaine d’années. C’est un assez aimable homme, simple et gracieux dans le monde, passant ses soirées fort volontiers au foyer intérieur du théâtre et vivant mêlé aux comédiens français que l’empereur fait venir de Paris.

Il est très aimé dans le monde et très haï des soldats. Ceci est de la politique russe. Le frère de l’empereur doit être haï de l’armée. Le grand-duc Michel a pour fonction de tourmenter le soldat russe. Il faut, sous peine de déplaire en haut, qu’il soit haï en bas. Aussi il prodigue à l’armée les corvées, les parades, les exercices de grand matin, les fatigues en pure perte, les minuties, les châtiments. À cela près, c’est un bon homme.

Il est gai et fait des calembours. À une revue, le fils du prince Eugène, le duc de Leuchtenberg, piaffait sur un beau cheval. Michel le regardait. — Monseigneur, dit le duc, vous admirez ce cheval ? — Non, répondit Michel, j’admire le Beauharnais.

Janvier 1844.




II

LE DUC DE SAXE-WEIMAR.


M. le duc Bernard de Saxe-Weimar est, en cette année 1844, un homme d’environ cinquante-deux ans. C’est un allemand de haute taille, fort gros,