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Page:Hugo - Œuvres complètes, Impr. nat., Correspondance, tome II.djvu/197

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gination couronnée par le dictionnaire ! Vous qui avez l’imagination de bel écrivain, ce qui ne vous empêche pas de gouverner souverainement le dictionnaire, cher Villemain, permettez que je vous recommande mon numéro 42. Vous y retrouverez tout ce que vous avez applaudi dans le poëme sur Mettray, la couleur, la pureté, l’éclat, la vie, une certaine force qui est si féminine, tant elle est mêlée à la grâce, de beaux vers à chaque instant, je ne sais quoi d’élevé qui touche à l’idéal, un grand souffle, et l’on envoie tout cela à l’Académie ! Oui, pardieu, et quand la poésie couronnée d’auréoles, vêtue de sa pourpre, semée d’étoiles, se présente à l’Institut, l’Académie lui fermerait la porte au nez ! non, vous êtes là, et vous avez la clef.

Mon illustre confrère, on me promet un livre de vous. Vous jugez de mon impatience. Si vous avez toujours la bonne pensée de me l’envoyer, faites-le remettre, je vous prie, chez M. Paul Meurice, rue Laval, 26, avenue Frochot, lequel me le transmettra à Jersey.

Savez-vous ce que c’est que Jersey ? Prenez une carte de l’Archipel, et cherchez-y Lemnos. Lemnos, c’est Jersey. Par le plus capricieux hasard du monde. Dieu a fait deux fois la même île ; il a donné l’une aux grecs, l’autre aux celtes. Jersey, appliquée sur Lemnos, s’y superposerait presque exactement.

C’est de là que je vous écris, non de l’île où l’on fait la foudre, mais de l’île où on l’attend.

Car sur de telles choses et sur de tels hommes, le tonnerre finira bien par tomber.

Cher ami, vous reverrai-je jamais ? Je vous serre tendrement la main.

Victor Hugo.

Ma femme et ma fille vous envoient leur plus cordial souvenir[1].


À Mademoiselle Louise Bertin.


Marine-Terrace, 21 mars 1854.

Votre lettre, mademoiselle, nous a touchés au fond de l’âme. Ces deux hommes qui sont près de moi, et que vous appelez avec tant de bonté vos enfants, l’ont lue et relue, et il leur semblait entendre toutes les douces

  1. Archives de la famille de Victor Hugo.