Page:Hugo - Œuvres complètes, Impr. nat., Correspondance, tome II.djvu/273

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Aussi, avec quel empressement j’ai ouvert les Petits Bonheurs ! comme j’ai savouré ces pages exquises et comme j’ai joué avec ce ravissant titre, Petits Bonheurs, moi qui pourrais presque dire, — si l’on avait jamais le droit de se plaindre, — que je n’en ai plus de petits ni de grands ! — je ne veux pas vous raconter tout cela, vous le devinez bien. Vous êtes toujours sûr, vous homme de sourire et d’aurore, de faire un effet de Rembrandt en entrant dans le lieu sombre que j’habite. Cavea leonum.

Mes fils vous lisent, comme moi, avec enchantement. — Et à propos, ils vous ont écrit, ces braves enfants. Ils ont l’idée de montrer un peu Shakespeare à la France ; ce n’est pas une mauvaise manière de faire de l’alliance anglaise. C’est là une grande tentative et digne certes, de succès. Je leur ai dit que vous les y aideriez sans nul doute ; et, par Hercule ! — ou par Shakespeare ! — j’ai eu raison, n’est-il pas vrai ?

Vous voyez que Guernesey travaille. Vacquerie, qui est près de vous en ce moment, en plein Paris, a écrit l’an passé au milieu de notre grand brouhaha de vagues et de vents, son beau et puissant livre de poésie et de critique[1] . C’est lui qui vous portera ce mot. Dans peu de jours nous le reverrons, et comme nous allons parler de Paris, et de vous, Janin, qui êtes Paris, plus que Paris même ! Mais le Paris lumineux, brillant, vivant, libre, indigné, honnête ! — C’est égal, vous avez fait un bien charmant et beau livre, et où je suis bien touché de lire mon nom. Chaque fois que je l’y trouve, il me semble sentir le serrement de votre main amie. Que de pages j’y ai notées, que je relirai au milieu des fleurs quand le printemps va venir !

Votre esprit est comme l’oiseau lâché, il n’a pas de limites dans l’azur ; il est infatigable et inépuisable ; il boit à toutes les sources de vie, à toutes les coupes de sagesse et de raison ; il ne s’arrête devant rien ; il boit même à l’idiot, comme ce roi de Perse qui buvait même à la cruche. Ah ! vous êtes un grand enchanteur ! — Si vous voyez encore quelqu’un qui se souvienne de moi et qui m’aime, parlez un peu de moi à cette âme fidèle, et sachez que je suis à vous du fond du cœur.

V. H.[2]


À Paul Meurice[3].


8 mars [1856].

Je glisse ce mot dans la lettre de Toto. — Vous avez lu la noble lettre de Dumas. Voudrez-vous mettre ces deux pages sous enveloppe à son adresse

  1. Profils et Grimaces.
  2. Clément-Janin. Victor Hugo en exil.
  3. Inédite.