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Page:Hugo - Œuvres complètes, Impr. nat., Correspondance, tome IV.djvu/204

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tagnes, non les poires. L’hiver est en haut, l’été est en bas. C’est bien beau. Si tu voyais cela, tu admirerais ce que fait le bon Dieu.

Je suis heureux, ma fille chérie, de la pensée de te revoir bientôt. Dans un mois, je te tiendrai sur mes genoux, et tu me conteras à ton aise tout ce que tu as fait pendant mon absence. Je sais que tu viens d’avoir de petites amies, Mlles de Boris. C’est une bonne fortune de rencontrer des jeunes filles de ton âge, bonnes, sages et bien élevées.

Je vais prendre ici dans les montagnes des bains pour chasser tout à fait mes rhumatismes, car tu te souviens que ton pauvre papa avait des rhumatismes l’an dernier ; puis je repartirai pour voir la Seine. J’ai quitté l’Espagne et les puces. Grâce à Dieu, elles ne sautent pas assez haut pour franchir les Pyrénées. Je suis certain maintenant que c’est pour empêcher les puces d’entrer en France que le bon Dieu a mis là ces montagnes.

Je te donne deux baisers, ma Dédé, et un troisième pour ta mère. — Et puis encore un quatrième pour toi, mon bijou[1].


À Auguste Vacquerie[2].


[1843]

Que voulez-vous, cher poëte, que je réponde à vos huit vers ? Quatre pages de prose, c’est vous donner en liards la monnaie de votre doublon d’or. C’est absurde. Je vous écris pourtant, mais j’aimerais mieux vous serrer la main.

J’ai vu Mlle George et M. Harel, et je vous dirai la chose en détail quand vous serez à Paris. Ils sont toujours dans le même enthousiasme, tout en disant la pièce non jouable (vous reconnaissez l’argot) telle qu’elle est. Ils l’admettent comme fort arrangeable et magnifique d’ailleurs. En ce temps-ci il faudrait arranger Eschyle, Shakespeare et Molière. Ils m’ont paru douter (ceci serait plus grave) que la Gaîté puisse jouer une œuvre de cette poésie. Je les ai combattus, mais je crains que l’objection ne vienne des directeurs de théâtre. J’ai questionné Harel qui est resté boutonné jusqu’au menton. Je fais encore une conjecture que je vous dirai. Du reste tout va toujours bien. Travaillez, cher poëte. Ne faites pas attention aux cailloux pointus qui vous entreront dans les pieds, la gloire est au bout de la route.


Ex imo corde.
Victor[3].
  1. Collection Louis Barthou.
  2. Inédite.
  3. Bibliothèque Nationale.