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Page:Hugo - Œuvres complètes, Impr. nat., Histoire, tome I.djvu/111

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au nom de la société en légitime défense[1] ». « Six jours ont suffi pour écraser l’insurrection », mande le général Levaillant, commandant l’état de siège du Var. « J’ai fait de bonnes prises », mande de Saint-Etienne le commandant Viroy ; « j’ai fusillé sans désemparer huit individus ; je traque les chefs dans les bois ». À Bordeaux, le général Bourjoly enjoint aux chefs de colonnes mobiles de « faire fusiller sur-le-champ tous les individus pris les armes à la main ». À Forcalquier, c’est mieux encore ; la proclamation d’état de siège porte : « La ville de Forcalquier est en état de siège. Les citoyens n’ayant pas pris part aux événements de la journée et détenteurs d’armes sont sommés de les rendre sous peine d’être fusillés. » La colonne mobile de Pézenas arrive à Servian : un homme cherche à s’échapper d’une maison cernée, on le tue d’un coup de fusil. À Entrains, on fait quatre-vingts prisonniers ; un se sauve à la nage, on fait feu sur lui, une balle l’atteint, il disparaît sous l’eau ; on fusille les autres. À ces choses exécrables ajoutez ces choses infâmes : à Brioude, dans la Haute-Loire, un homme et une femme jetés en prison pour avoir labouré le champ d’un proscrit ; à Loriol, dans la Drôme, Astier, garde champêtre, condamné à vingt ans de travaux forcés pour avoir donné asile à des fugitifs ; ajoutez, et la plume tremble à écrire ceci, la peine de mort rétablie, la guillotine politique relevée, des sentences horribles ; les citoyens condamnés à la mort sur l’échafaud par les juges janissaires des conseils de guerre : à Clamecy, Millelot, Jouanin, Guillemot, Sabatier et Four ; à Lyon, Courty, Romegou, Bressieux, Faurile, Julien, Roustain et Garay, adjoint du maire de Cliousclat ; à Montpellier, dix-sept pour l’affaire de Bédarieux : Mercadier, Delpech, Denis, André, Barthez, Triadou, Pierre Carrière, Galzy, Calas dit le Vacher, Gardy, Jacques Pages, Michel Hercule, Mar, Vène, Frié, Malaterre, Beaumont, Pradal, les six derniers par bonheur contumaces, et à Montpellier encore quatre autres : Choumac, Vidal, Cadelard et Pagès. Quel est le crime de ces hommes ? Leur crime, c’est le vôtre, si vous êtes un bon citoyen, c’est le mien à moi qui écris ces lignes, c’est l’obéissance à l’article 110 de la Constitution, c’est la résistance armée à l’attentat de Louis Bonaparte ; et le conseil « ordonne que l’exécution aura lieu dans la forme ordinaire, sur une des places publiques de Béziers » pour les quatre derniers, et pour les dix-sept autres « sur une des places publiques de Bédarieux » ; le Moniteur l’annonce ; il est vrai que le Moniteur annonce en même temps que le service du dernier bal des Tuileries était fait par trois

  1. Voici, telle qu’elle est au Moniteur, cette dépêche odieuse  :

    « Toute insurrection armée a cessé à Paris par une répression vigoureuse. La même énergie aura les même effets partout.

    « Des bandes qui apportent le pillage, le viol et l’incendie, se mettent hors des lois. Avec elles on ne parlemente pas, on ne fait pas de sommation : on les attaque, on les disperse.

    « Tout ce qui résiste doit être FUSILLÉ au nom de la société en légitime défense. »