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Page:Hugo - Œuvres complètes, Impr. nat., Histoire, tome I.djvu/252

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en un mois. J’ai travaillé presque nuit et jour…[1]

Le 3 juillet, Mme Victor Hugo répondait :

Je suis très contente que la publication de ton livre soit décidée. J’en suis contente d’abord parce qu’il est attendu de tous, et puis parce que tu nous permets enfin de t’aller trouver. Tu me diras quand je serai près de toi le pourquoi du changement de titre et pourquoi cette transformation. Au surplus, cela me semble devoir être d’un effet aussi bon si ce n’est meilleur.

Le 13 juillet, Victor Hugo écrivait à Mme Victor Hugo :

J’ai fini hier Napoléon-le-Petit. J’ai commencé à l’écrire le 14 juin. Je pense qu’il paraîtra du 20 au 25 Le volume aura 440 pages C’est plus gros que je ne croyais. C’est le tableau complet de l’homme et de la situation avec un petit coup d’œil sur le lendemain.

Le 25 juillet, il avertissait sa femme que le livre paraîtrait mercredi ou jeudi au plus tard, et la priait de se rendre aussitôt à Jersey, lui annonçant que son expulsion de Bruxelles étant inévitable, il irait la retrouver avec Charles. Et il écrivait à sa fille Adèle, le même jour :

Ma Dédé, un petit mot pour toi et un gros baiser. Je vais te revoir, tu sais ? je vais passer la mer de mon côté, toi du tien, et nous nous retrouverons dans un lieu calme, libre et charmant. Là, nous attendrons la fin de la méchante pièce qui se joue en ce moment, et nous bénirons Dieu qui, nous ôtant la patrie, nous laisse la famille. Charles viendra avec moi et Victor aussi, j’espère. Tu vois bien que l’heureux groupe d’autrefois se reformera. Nous aurons Paris de moins, mais la mer de plus. Au lieu de la tempête des idées, nous aurons la tempête du vent et de l’eau, ceci est grand aussi. Chère enfant bien-aimée, je t’embrasse, et tout le cœur de ton père est à toi.

Le gouvernement belge fit la loi Faider qui décrétait des peines contre la pensée libre et interdisait toute attaque contre les princes. Le 29 juillet, les proscrits donnaient à Victor Hugo un dîner d’adieu. Le 31, le poète adressait à Hetzel cette lettre :

Mon cher monsieur,

Je vous prie de vouloir bien verser, en mon nom, moitié dans la caisse de secours des réfugiés de Bruxelles, moitié dans la caisse de secours des réfugiés de Londres, les premiers 500 francs que rapportera, à mon bénéfice, aux termes de nos conventions, la vente de Napoléon-le-Petit.

Le 1er août, il s’embarquait à Anvers pour Londres ; aux paroles d’adieu qui lui avaient été adressées, il répondit :

J’ai été exilé de France pour avoir combattu le guet-apens de décembre et m’être colleté avec la trahison ; je suis exilé de Belgique pour avoir fait Napoleon-le-Petit. Eh bien ! je suis banni deux fois, voilà tout[2].

Le lundi 2 août, Victor Hugo annonçait à sa femme qu’il était à Londres, que le livre paraîtrait seulement jeudi pour des raisons de prudence.

Napoléon-le-Petit était publié en effet le 5 août, le jour même où Victor Hugo débarquait à Jersey, et il adressait à M. Tarride la lettre suivante :

Jersey, 8 août 1852.

Je pense, mon cher monsieur Tarride, que Napoléon-le-Petit doit avoir paru en ce moment, et j’espère, sans encombre. J’attends sur ce dernier point de vos nouvelles avec impatience. J’ai vu M. Jeffs en passant à Londres. Il consent à donner son nom pour la couverture, mais ne veut pas écrire la lettre ; il n’y a pas eu moyen de lui faire comprendre que cela était sans inconvénient aucun pour lui. Vous avez dû recevoir une lettre de moi, de Londres, à ce sujet. Vous pouvez, du reste, user de son nom.

J’ai trouvé à Jersey d’immenses sympathies ; toute l’île m’a reçu sur le quai au débarquement, et j’ai été profondément touché des manifestations des proscrits et des habitants.

  1. Correspondance
  2. Actes et paroles ; En quittant la Belgique.