Aller au contenu

Page:Hugo - Œuvres complètes, Impr. nat., Histoire, tome II.djvu/180

La bibliothèque libre.
Cette page n’a pas encore été corrigée

l62 HISTOIRE D’UN CRlMli.

des Moulins, l’avait voulu, nous étions pris ce jour-là. Il ne nous trahit pas. Mais c’étaient là des exceptions. La poursuite de la police n’en était pas moins ardente et acharnée. Chez Marie, on s’en souvient, les sergents de ville et les gendarmes mobiles arrivèrent dix minutes après que nous avions évacué la maison, et fouillèrent jusque soiis les lits à coups de bayonnette. Parmi les représentants il y avait plusieurs constituants, et à leur tête Bastide. Bastide, en 1848, avait été ministre des affaires étrangères. Dans la deuxième réunion nocturne de la rue Popincourt, on lui reprochait plusieurs de ses actes. — Laissez-moi d’abord me faire tuer, répondit-il ; ensuite vous me reprocherez ce que vous voudrez. Et il ajouta : — Comment pouvez-vous vous défier de moi qui suis républicain jusqu’au poignard . Bastide ne consentait pas à appeler notre résistance l’insurrection. Il l’appelait la contreinsurrection. Il disait : — Victor Hugo a raison. C’est à l’Elysée qu’est l’insurgé. — J’étais d’avis, on le sait, de brusquer la bataille, de ne rien différer, de ne rien réserver ; je disais : Il faut battre le coup d’ Etat quand il elt chaud. Bastide m’appuyait. Dans le combat il fut impassible, froid, gai sous sa froideur. A la barricade Saint-Antoine, au moment où les fusils du coup d’Etat couchaient en joue les représentants du peuple, il dit en souriant à Madier de Montjau : — Demandez donc à Schœlcher ce qu’il pense de l’abolition de la peine de mort. (Schœlcher, comme moi, même à cette minute suprême, eût répondu : qu’il faut l’abolir.) Dans une autre barricade. Bastide, forcé de s’absenter un moment, posa sa pipe sur un pavé. On trouva la, pipe de Bastide et on le crut mort. Il revint, la mitraille pleuvait, il dit : Ma pipe. Il la rallimia et se remit à combattre. Deux balles trouèrent son manteau.

Quand les barricades furent construites, les représentants républicains s’y répandirent et s’y distribuèrent. Presque tous les représentants de la gauche allèrent aux barricades, aidant soit à les bâtir, soit à les défendre. Outre le orand fait de la barricade Saint-Antoine, où Schœlcher fut si admirable, Esquiros alla à la barricade de la rue de Charonne ; de Flotte au Panthéon et à la Chapelle-Saint-Denis ; Madier de Montjau à Belleville et rue Aumaire ; Doutre et Pelletier à la mairie du v’ arrondissement ; Brives rue Beaubourg ; Arnaud (de l’Ariège ) rue du Petit-Reposoir ; Viguier rue Pagevin ; Versigny rue Joigneaux ; Dupont de Bussac au carré Saint-Martin ; Carlos Forel et Boysset rue Rambuteau. Doutre reçut sur la tête un coup de sabre qui fendit son chapeau ; Bourzat eut quatre balles dans son paletot ; Baudin fut tué ; Gaston Dussoubs était malade et ne put venir ; son frère, Denis Dussoubs, le remplaça. Où. Dans le sépulcre. Baudin tomba sur la première barricade, Denis Dussoubs sur la dernière. Je tus moins favorisé que Bourzat ; je n’eus dans mon paletot que trois