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Page:Hugo - Œuvres complètes, Impr. nat., Histoire, tome II.djvu/87

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Quatrième journée
La victoire

I. Les Faits de la nuit. La rue Tiquetonne

Comme Mathieu (de la Drôme) venait de nous dire cette parole : – Vous êtes chez le roi Bomba, Charles Gambon entra. Il se laissa tomber sur une chaise et murmura : C’est horrible. Bancel le suivait. – Nous en venons, dit Bancel. Gambon avait pu s’abriter dans l’embrasure d’une porte. Rien que devant Barbedienne il avait compté trente-sept cadavres. Mais qu’est-ce que cela signifiait ? Dans quel but ce monstrueux meurtre au hasard ? On ne comprenait pas. C’était une énigme dans un massacre.

Nous étions dans l’antre du sphinx.

Labrousse survint. Il était urgent de quitter la maison de Dupont White. Elle était sur le point d’être cernée. Depuis quelques instants, la rue du Mont-Thabor, ordinairement déserte, se peuplait de figures suspectes. Des hommes attentifs semblaient observer le n° 11. Quelques-uns de ces hommes, qui avaient l’air de se concerter, appartenaient à l’ancien Club des Clubs, lequel, grâce aux manœuvres de la réaction, avait une vague odeur de police. Il était nécessaire de se disperser. Labrousse nous dit : – Je viens de voir rôder Longepied.

Nous nous séparâmes. On s’en alla isolément et chacun de son côté. On ne savait pas où l’on se reverrait ni si l’on se reverrait. Qu’allait-il arriver et qu’allait-on devenir ? On ne savait. On respirait de l’épouvante.

Je montai vers les boulevards, voulant voir ce qui se passait.

Ce qui se passait, je viens de le dire.

Bancel et Versigny m’avaient rejoint.

Comme je quittais le boulevard, mêlé à un tourbillon de foule terrifiée, ne sachant où j’allais, redescendant vers le centre de Paris, une voix me dit brusquement à l’oreille : – Il y a là une chose qu’il faut que vous voyiez. Je reconnus cette voix. C’était la voix d’E. P… [1].

E. P… est un auteur dramatique, homme de talent, que, sous Louis-Philippe,

  1. Edouard Plouvier.