Page:Hugo - Œuvres complètes, Impr. nat., Poésie, tome II.djvu/136

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Partout où le couchant grandit l’ombre des chênes,
Partout où les coteaux croisent leurs molles chaînes,
Partout où sont des champs, des moissons, des cités,
Partout où pend un fruit à la branche épuisée,
Partout où l’oiseau boit des gouttes de rosée,
Allez, voyez, chantez !

Allez dans les forêts, allez dans les vallées !
Faites-vous un concert des notes isolées !
Cherchez dans la nature, étalée à vos yeux,
Soit que l’hiver l'attriste ou que l’été l’égaye,
Le mot mystérieux que chaque voix bégaye ;
Écoutez ce que dit la foudre dans les cieux !

C’est Dieu qui remplit tout. Le monde, c’est son temple.
Œuvre vivante, où tout l’écoute et le contemple !
Tout lui parle et le chante. Il est seul, il est un !
Dans sa création tout est joie et sourire.
L’étoile qui regarde et la fleur qui respire,
Tout est flamme ou parfum !

Enivrez-vous de tout ! enivrez-vous, poëtes,
Des gazons, des ruisseaux, des feuilles inquiètes,
Du voyageur de nuit dont on entend la voix,
De ces premières fleurs dont février s’étonne,
Des eaux, de l’air, des prés, et du bruit monotone
Que font les chariots qui passent les bois.

Frères de l’aigle ! aimez la montagne sauvage !
Surtout à ces moments où vient un vent d’orage,
Un vent sonore et lourd qui grossit par degrés,
Emplit l’espace au loin de nuages et d’ombres,
Et penche sur le bord des précipices ombres
Les arbres effarés !