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IV

Oui, l’aigle, un soir, planait aux voûtes éternelles,
Lorsqu’un grand coup de vent lui cassa les deux ailes ;
Sa chute fit dans l’air un foudroyant sillon ;
Tous alors sur son nid fondirent pleins de joie ;
Chacun selon ses dents se partagea la proie ;
L’Angleterre prit l’aigle, et l’Autriche l’aiglon.

Vous savez ce qu’on fit du géant historique.
Pendant six ans on vit, loin derrière l’Afrique,
Sous le verrou des rois prudents,
— Oh ! n’exilons personne ! oh ! l’exil est impie ! —
Cette grande figure en sa cage accroupie,
Ployée, et les genoux aux dents.

Encor si ce banni n’eût rien aimé sur terre !
Mais les cœurs de lion sont les vrais cœurs de père.
Il aimait son fils, ce vainqueur !
Deux choses lui restaient dans sa cage inféconde,
Le portrait d’un enfant et la carte du monde,
Tout son génie et tout son cœur !

Le soir, quand son regard se perdait dans l’alcôve,
Ce qui se remuait dans cette tête chauve,
Ce que son œil cherchait dans le passé profond,
— Tandis que ses geôliers, sentinelles placées
Pour guetter nuit et jour le vol de ses pensées,
En regardaient passer les ombres sur son front ; —

Ce n’était pas toujours, sire, cette épopée
Que vous aviez naguère écrite avec l’épée ;
Arcole, Austerlitz, Montmirail ;
Ni l’apparition des vieilles pyramides ;