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Page:Hugo - Œuvres complètes, Impr. nat., Poésie, tome II.djvu/239

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XI

À M. LE D. D'O.

Prince, vous avez fait une sainte action.
Loin de la haute sphère où rit l’ambition,
Un père et ses enfants, cheveux blancs, têtes blondes,
Marchaient enveloppés de ténèbres profondes,
Prêts à se perdre au fond d’un gouffre de douleurs,
Le père dans le crime et les filles ailleurs.
Comme des voyageurs, lorsque la nuit les gagne,
Vont s’appelant l’un l’autre aux flancs de la montagne,
Au penchant de l’abîme et rampant à genoux,
Ils ont crié vers moi ; moi, j’ai crié vers vous.
Je vous ai dit : — Voici, tout près du précipice,
Des malheureux perdus dont le pied tremble et glisse !
Oh ! venez à leur aide et tendez-leur la main ! —
Vous vous êtes penché sur le bord du chemin,
Sans demander leurs noms vos mains se sont tendues,
Et vous avez sauvé ces âmes éperdues.
Puis à moi, qui, de joie et de pitié saisi,
Vous contemplais rêveur, vous avez dit : Merci !

C’est bien. C’est noble et grand. — Sous la tente empressée
Que vos mains sur leurs fronts à la hâte ont dressée,
Ils sont là maintenant, recueillant leur espoir,
Leur force et leur courage, et tachant d’entrevoir,
Grâce à votre rayon qui perce leur nuage,
Quelque horizon moins sombre à leur triste voyage,
Groupe encor frissonnant à sa perte échappé !
Pareil au pauvre oiseau, par l’orage trempé,
Qui, s’abritant d’un chêne aux branches éternelles,
Attend pour repartir qu’il ait séché ses ailes !

Jeune homme au cœur royal, soyez toujours ainsi.