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Page:Hugo - Œuvres complètes, Impr. nat., Poésie, tome II.djvu/377

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Soyez flétris !

Mais non. C’est à nous, insensés,
Que le mépris revient. Vous nous obéissez.
Vous êtes prisonniers et vous êtes esclaves.
La guerre qui vous fit de ses bouillantes laves
Vous fit pour la bataille, et nous vous avons pris
Pour vous éclabousser des fanges de Paris,
Pour vous sceller au seuil d’un palais centenaire,
Et pour vous mettre au ventre un éclair sans tonnerre !
C’est nous qu’il faut flétrir. Nous qui, déshonorés,
Donnons notre âme abjecte à ces bronzes sacrés.
Nous passons dans l’opprobre ; hélas, ils y demeurent.
Mornes captifs ! le jour où des rois proscrits meurent,
Vous ne pouvez, jetant votre fumée à flots,
Prolonger sur Paris vos éclatants sanglots,
Et, pareils à des chiens liés à des murailles,
D’un hurlement plaintif suivre leurs funérailles !
Muets, et vos longs cous baissés vers les pavés,
Vous restez là, pensifs, et, tristes, vous rêvez
Aux hommes, froids esprits, cœurs bas, âmes douteuses,
Qui font faire à l’airain tant de choses honteuses !

III



Vous vous taisez. – Mais moi, moi dont parfois le chant
Se refuse à l’aurore et jamais au couchant,
Moi que jadis à Reims Charles admit comme un hôte,
Moi qui plaignis ses maux, moi, qui blâmai sa faute,
Je ne me tairai pas. Je descendrai, courbé,
Jusqu’au caveau profond où dort ce roi tombé ;
Je suspendrai ma lampe à cette voûte noire ;
Et sans cesse, à côté de sa triste mémoire,
Mon esprit, dans ces temps d’oubli contagieux,
Fera veiller dans l’ombre un vers religieux !