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Page:Hugo - Œuvres complètes, Impr. nat., Poésie, tome II.djvu/418

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VII

À VIRGILE


Ô Virgile ! ô poète ! ô mon maître divin !
Viens, quittons cette ville au cri sinistre et vain
Qui, géante, et jamais ne fermant la paupière,
Presse un flot écumant entre ses flancs de pierre,
Lutèce, si petite au temps de tes césars,
Et qui jette aujourd’hui, cité pleine de chars,
Sous le nom éclatant dont le monde la nomme,
Plus de clarté qu’Athènes et plus de bruit que Rome.

Pour toi qui dans les bois fais, comme l’eau des cieux,
Tomber de feuille en feuille un vers mystérieux,
Pour toi, dont la pensée emplit ma rêverie,
J’ai trouvé, dans une ombre où rit l’herbe fleurie,
Entre Buc et Meudon, dans un profond oubli,
— Et quand je dis Meudon, suppose Tivoli ! —
J’ai trouvé, mon poète, une chaste vallée
À des coteaux charmants nonchalamment mêlée,
Retraite favorable à des amants cachés,
Faite de flots dormants et de rameaux penchés,
Où midi baigne en vain de ses rayons sans nombre
La grotte et la forêt, frais asiles de l’ombre !

Pour toi je l’ai cherchée, un matin, fier, joyeux,
Avec l’amour au cœur et l’aube dans les yeux ;
Pour toi je l’ai cherchée, accompagné de celle
Qui sait tous les secrets que mon âme recèle,
Et qui, seule avec moi sous les bois chevelus,
Serait ma Lycoris si j’étais ton Gallus.

Car elle a dans le cœur cette fleur large et pure,
L’amour mystérieux de l’antique nature !