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Page:Hugo - Œuvres complètes, Impr. nat., Poésie, tome XII.djvu/214

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Mon père, doux passant qui m’a conté la chose,
Était là. Laissez-moi, car ce nom me repose,
Vous dire que mon père était un sage pur,
Un de ces penseurs vrais qui, dans le monde obscur,
Montrent un front serein même à l’épreuve austère,
Qui cherchent. le. côté rassurant du mystère,
Et se font expliquer, l’énigme du destin :
Par le splendide chant des oiseaux le matin.
Il était souriant toujours, jamais sceptique.
Aucune Bible, aucune illusion d’optique,
Ne troublaient son regard fixé.sur le réel.
Il était confiant dans la beauté du ciel.

Donc le digne curé faisait rage. Et les chênes,
Les ormes, qui sans peur tremblent, grondent sans haines,
Continuaient leur grand murmure dans les bois ;
Une confusion de rumeurs et d’abois
S’éteignait dans les champs-et venait de la ville,
Auguste apaisement des clameurs dans l’idylle
Cette conviction que donne aux coeurs l’azur,
Sorte de point d’appui mystérieux et. sûr,
Était partout sensible, et les molles prairies
Exhalaient ces parfums qu’on nomme rêveries ;
La clémence éternelle était, visible aux yeux ;
Le bon curé semblait d’autant plus furieux ;
La foudre au poing, voyant dans Vaugirard Sodome,
Sinistre, il accablait du poids du bon Dieu l’homme ;
Il damnait tout, sans choix, sans trêve, sans répit.

Tout à coup un Gros-Jean quelconque interrompit,
Raillant le prêtre ; ainsi parfois Pyrrhon poignarde
Patouillet à travers la blouse campagnarde :
- Si Dieu n’existait-pas ? répondez à cela ! ,

- Il faudrait l’inventer, dit mon père.