Page:Hugo - Œuvres complètes, Impr. nat., Poésie, tome XII.djvu/270

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LX Qu’est-ce que ta sagesse


Qu’est-ce que ta sagesse et que ton jugement ?
Homme, en ta conscience as-tu, quelque mesure
Pour peser, pour compter, pour régler, qui soit sûre ?
Toi-même, n’es-tu pas ton propre étonnement ?
Ce que le genre humain fait misérablement
T’effraie, et tu ne sais ce que tu dois en croire.
L’homme pour l’homme est nuit. Devant ta propre histoire
Entends-tu clairement l’évidence crier ?

Voyons. Explique-toi. Quel est le meurtrier :
Brutus tuant César, ou César tuant Rome ?
Quand. même l’âpre Dante et cet autre qu’on nomme
Tacite, et celui-là qu’on nomme Juvénal
Siégeraient dans ton âme ainsi qu’un tribunal,
L’un Minos, l’autre Éaque, et l’autre Rhadamante,
Tu ne sentirais pas que la lumière augmente,
Et que plus de justice avec plus de raison
Se lève dans ton coeur et sur ton horizon.

Voici la bête fauve et la bête de somme,
D’un côté l’empereur, de l’autre côté l’homme,
Claude et le genre humain, Tibère et l’univers ;
L’un est-il plus abject que l’autre n’est pervers ?

Tiens, vois : -comme le soir les nuages s’amassent,
Les sombres légions rentrent ; les soldats passent,
Aigle et bannière au vent, sous les arcs triomphaux ;
Le peuple bat des mains du haut des échafauds ;
Ils mêlent aux clairons quelque strophe sauvage :
« -Nous sommes compagnons de gloire et de ravage,
« O Commode, empereur égal à Jupiter !
« Qui donc pourrait compter les vagues de la mer,
«