Page:Hugo - Œuvres complètes, Impr. nat., Poésie, tome XII.djvu/82

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XXXV BALMA ==



S'était-il dit: « L'hiver, les gouffres, la tempête,
« Gardent le roi des monts sous son dais de brouillards;
« Nul homme encor n'a pu fouler du pied sa tête,
« Presque inaccessible aux regards.
« J'irai! J'assiégerai, dans ma sublime audace,
« Cette forteresse de glace,
« Et ces tours, qui touchent aux cieux!
« Sur le sommet neigeux du mont hyperborée
« La Gloire fait fleurir-une palme ignorée
« Qui n'est visible qu'à mes yeux! »

Avait-il, l'humble pâtre, entendu dans un rêve
D'aériennes voix lui crier: « Ne dors pas!
« Jusqu'au front du Mont-Blanc que ton âme s'élève:
« Qu'elle y précipite tes pas!:
« Berger, qu'à ces hauteurs la terre te contemple.
« Va! l'esprit divin, comme un temple,
« Habita toujours le haut lieu.
« Va! quelque vision sans doute t'est promise.
« Sur ce nouveau Sina, comme un nouveau Moïse,
« Monte à la rencontre de Dieu! »

Je ne sais: mais un jour, à l'heure où dans les ombres
L'aube n'a pas atteint le front des Alpes sombres,
Il partit. Le Mont-Blanc, éclairé seul encor,
Comme un roi diligent, lorsque son camp sommeille,
Avant tous ses guerriers, tout armé se réveille,
Sur les monts obscurcis levait son casque d'or.