Page:Hugo - Œuvres complètes, Impr. nat., Poésie, tome XIV.djvu/120

La bibliothèque libre.
Cette page n’a pas encore été corrigée

t,
Tambour battant, avec une nuée altière
D’étendards déployés, fonder un cimetière ;
Si c’était pour forger des. chassepots meilleurs,
Si c’était pour créer des engins mitrailleurs
Appropriés au temps de progrès où nous sommes,
Afin d’abattre vite et bien des milliers d’hommes
Comme une faulx passant dans un champ de maïs,
Afin de faire, au meurtre immense du pays,
Travailler nos soldats changés en janissaires,
Afin d’assassiner les hurlantes misères,
Afin que le drapeau de France dans ses plis
Montre Ricamarie à côté d’Austerlitz,
Afin d’exterminer des pauvres, des famines,
Des détresses, vieillards, enfants, forçats des mines,
Pâles, mourant de faim, réclamant des liards ;
Deux millions, c’est peu ; prenez deux milliards ;
Mais il s’agit de rendre à l’innocent justice,
Il s’agit de frapper un coup qui retentisse,
Et de purifier un nom infortuné ;
Il s’agit de tirer de l’enfer un damné ;
De dire : Apaise-toi, spectre qui te lamentes !
Et d’aller, dans l’oubli des tombes infamantes,
Chercher une Mémoire, et de mettre ; à côté
D’un mensonge, en ces nuits sans fond, la vérité :
On ne peut gaspiller à ce point les finances !

Confisquer fut le droit. Les vieilles ordonnances
Sévirent sur Lesurque ainsi qu’au temps ancien.
En.lui volant sa vie ; on lui vola son bien.
Les fils ont disparu, famille foudroyée ;
La fille s’est jetée à la Seine et noyéé
Tout ce groupe effaré, morne, épàrs, frissonnant,
A sombré sous l’arrêt funèbre ; et maintenant,
La nuit après la mort, hélas ! c’est la logiqué ;
On ne distingue rien dans cette ombre tragique,
Sinon des enfants nus, quelques pauvres petits
Dans l’abîme ; orphelins pas ençore engloutis..