Aller au contenu

Page:Hugo - Œuvres complètes, Impr. nat., Poésie, tome XIV.djvu/140

La bibliothèque libre.
Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.

LI

[Quant à Paris, ton poing l'étreint]


Quant à Paris, ton poing l’étreint. Grâce aux bâtisses,
Paris, le grand Paris des superbes justices
Qui dressait en août, en septembre, en juillet,
Son front où tout à coup une étoile brillait ;
Ce Paris qui, semblable au fauve dans les jungles,
Allongeait ses faubourgs comme un lion ses ongles,
Ce Paris où Danton poussant dans le ciel noir
Ces grands chevaux ailés, Droit, Gloire, Honneur, Devoir,
A travers la tempête, à travers le prodige,
Passa comme un géant debout sur un quadrige,
Aujourd’hui ce Paris énorme est un éden
Charmant, plein de gourdins et tout constellé d’N ;
La vieille hydre Lutèce est morte ; plus de rues
Anarchiques, courant en liberté, bourrues,
Où la façade au choc du pignon se cabrant ;
Le soir, dans un coin noir faisait rêver Rembrandt ;
Plus de caprice ; plus de carrefour méandre
Où Molière mêlait Géronte avec Léandre ;
Alignement ! tel est le mot d’ordre actuel.
Paris, percé par toi de part en part en duel,
Reçoit tout au travers du corps quinze ou vingt rues
Neuves, d’une caserne utilement accrues ;
Boulevard, place, ayant pour cocarde ton nom,
Tout ce qu’on fait prévoit le boulet de canon ;