Page:Hugo - Œuvres complètes, Impr. nat., Poésie, tome XIV.djvu/153

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Le sénateur peut être un valet==


Le sénateur peut être un valet ; le flamine
Peut être un doux bandit priant qu’on extermine ;
Le juge peut avoir des faux poids plein les mains ;
Tel prince fait l’effet d’un gueux de grands chemins ;
On peut se demander s’il est digne, en ce rôle,
D’avoir les fleurs de lys au front, ou sur l’épaule ;
La parole peut être, en flattant d’affreux rois,
Pire qu’un hurlement de bête au fond des bois ;
La religion peut faire la mijaurée,
Puis se vendre, et l’honneur peut être une denrée ;
Verrès peut bafouer Caton ; la trahison,
Comme un pêcheur qui dit : j’ai pris bien du poisson !
Peut rentrer et le soir passer devant nos portes,
Traînant dans ses filets des consciences mortes ;
La femme peut tourner ses yeux doux vers celui
Sur qui le crime, étoile épouvantable, a lui ;
Tout le tas des vertus peut être une fumée ;
Les docteurs, les consuls, les généraux d’armée,
Peuvent être du bois dont on fait les gibets ;
Vesta lascive peut rêver : Si je tombais ?
Le progrès peut marcher comme les écrevisses ;
Devant le vil succès des forfaits et des vices
L’honnête homme peut être un lâche et rester coi ;
La foudre peut dormir dans le ciel ; c’est pourquoi
Juvénal indigné démuselle les haines
Dans ce style d’airain qui fait un bruit de chaînes.

12 avril 1870.