Page:Hugo - Œuvres complètes, Impr. nat., Poésie, tome XIV.djvu/485

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Comme en son moule ardent le fondeur souverain
Mêle le plomb à l’or quand il fait de l’airain !
Non, tu n’es pas la grande et sainte République !
O fantôme à l’oeil louche, à l’attitude oblique,
Tu n’as pas su donner l’honneur à nos drapeaux,
Au peuple le travail, au pays le repos ;
Tu n’as point reconnu le droit des misérables ;
Tu n’as point su toucher à leurs maux vénérables !
Tu pouvais, en suivant un élan immortel,
De l’échafaud brisé te bâtir un autel,
Et tu ne l’as point fait. Tu n’as rien su comprendre
Au peuple qui, pour être heureux, superbe et tendre,
Ne veut qu’un peu de gloire avec un peu de pain.
Tu n’as, comme les rois, qu’un tréteau de sapin,
Et tu n’as su montrer, triomphante et rapace,
Que la voracité d’un étranger qui passe.
Tu troublas les palais sans calmer les greniers ;
Tu n’as point eu pitié des pauvres prisonniers,
Et tu n’as pas eu même un instant ,de clémence.
Tes pères, nains chétifs, qui mesuraient; démence !
La pensée à l’équerre et le coeur au compas,
T’ont faite à leur image avec ce qu’ils n’ont pas ;
Des sourds t’ont dit : entends ! des boiteux t’ont dit : marche !

La patrie est un temple et tu n’en es point l’arche ;
Car l’éclair d’en haut manque à ton code impuissant,
Car Dieu n’est pas visible où le peuple est absent !

Fille des courts instants et des heures troublées,
Éclose au dur cerveau des sombres assemblées,
Parmi les rires vains, les rumeurs,. les refus
Des sages,- et les cris dans les groupes confus,
Qui donc t’a mise ici, dans un jour d’ironie,
Près de la pierre auguste où revit le génie
°Des temps évanouis et: des peuples anciens;
Énigme dont rêvaient les sphinx égyptiens,