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PRÉFACE PHILOSOPHIQUE

Reprenons.

L’auteur vient de confesser que, quant à lui, en dehors des religions écrites, il croit et il prie.

Pourquoi croit-il ? pourquoi prie-t-il ?

Il va essayer de le dire, en s’interdisant tout autre développement que le nécessaire, et en élaguant, dans cette exposition d’une âme, tout ce qui ne va pas directement au but.

Si le mot âme, prononcé ici avant toute explication et tout raisonnement, semble peu rigoureux, et au moins prématuré, aux amis des déductions correctes, mettez que nous n’avons rien dit.

Écoutez-nous seulement si ceci vous intéresse.

Sinon, passez ces quelques pages.

Ces pages sont ce qu’elles sont. Il est facile au lecteur de ne point les lire ; il était impossible à l’auteur de ne pas les écrire.


(Peut-être encore un paragraphe de transition pour amener cette exposition du monde.)


IV[1]

L’énormité de la nature est accablante.

Regardez. Voici la terre :

L’homme est dessus, le mystère est dedans. Globe effrayant ! Un axe à la fois rotatoire et magnétique, c’est-à-dire produisant le mouvement et créant la vie ; au centre, peut-être une fournaise ; aux deux extrémités de l’axe, deux glaciers de mille lieues de tour que déplace lentement la précession des équinoxes et qui, en fondant, font basculer le globe tous les quinze mille ans selon les uns, tous les deux cent mille ans selon les autres, et mettent brusquement la mer à la place de la terre ; submersions périodiques visibles en quelque sorte dans la forme aiguë actuelle de tous les continents du côté du pôle austral, plus lourd en ce moment que le pôle boréal. La première fonction de la terre pour l’homme, c’est d’être l’horloge immense ; sa rotation crée ce que nous appelons le jour ou le nychthemeron ; la Terre mesure le temps dans l’éternité. Prise en elle-même, quelle impénétrable genèse ! Autrefois, dans les profondeurs immémoriales des cycles cosmiques,

  1. D’après ce chiffre IV, deux paragraphes (II et III) étaient prévus par Victor Hugo ; nous ne les avons pas trouvés dans le manuscrit.