Page:Hugo - Œuvres complètes, Impr. nat., Roman, tome III.djvu/416

La bibliothèque libre.
Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.
400
PRÉFACE PHILOSOPHIQUE.

de ces situations sociales que les hommes prennent pour des sommets, proscrit, selon le langage bizarre de la terre, n’ayant plus d’autre patrie que le ciel, heureux d’y avoir laissé envoler mon espérance, contemplant la transparence sacrée du naturalisme, ébloui d’hypothèses, englouti dans le possible, confiant et par moments hagard, perdu dans l’abîme avec épouvante et joie, mais me souvenant de l’homme, homme moi-même, j’ai écrit ce livre.

J’ai tenu à expliquer cela.

De sorte que si, en pénétrant dans ce drame au fond duquel est une sorte de sombre miroir de la misère, vous lecteur, heurté de certaines duretés qui viennent de la tendresse, étonné de ce qu’il y a parfois de farouche et d’inexorable dans la compassion, vous demandez à l’auteur quel est son droit pour réviser la damnation sociale, pour réhabiliter le damné et pour relever la damnée, pour secourir le coupable à terre et menacer le coupable debout, pour opérer les maladies de l’ordre public, pour essayer l’orthopédie des difformités qu’on nomme superstitions, pour entreprendre le pansement des vices et des crimes ; quel est son droit pour glorifier la sainteté du repentir et la splendeur de la résipiscence, pour soutirer des lois humaines l’irrévocable, l’indissoluble et l’irréparable, pour clarifier la populace et en extraire le peuple, pour constater l’innocent dans le voyou, pour chercher le rayon jusque dans le cloaque, pour retrouver le Verbe jusque dans l’argot, pour sourire à tous ceux qui pleurent, pour mettre sur tous les endroits où la vérité saigne une charpie faite avec les préjugés déchirés ; si vous lui demandez quel est son droit pour s’apitoyer et pour consoler, pour donner des avertissements à ceux qui réussissent et qui jouissent, pour réprimander le succès, pour sonder la fissure sociale, pour sacrer la femme, même tombée, pour recommander les enfants aux hommes, pour sympathiser avec les malheureux et fraterniser avec les misérables, il vous répondra :

Je crois en Dieu.