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Page:Hugo - Œuvres complètes, Impr. nat., Roman, tome IV.djvu/202

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LES MISÉRABLES. — COSETTE.

quelles, au commencement de ce siècle, avaient à Paris deux maisons, l’une au Temple, l’autre rue Neuve-Sainte-Geneviève. Du reste les bernardines-bénédictines du Petit-Picpus, dont nous parlons, étaient un ordre absolument autre que les dames du Saint-Sacrement cloîtrées rue Neuve-Sainte-Geneviève et au Temple. Il y avait de nombreuses différences dans la règle ; il y en avait dans le costume. Les bernardines-bénédictines du Petit-Picpus portaient la guimpe noire, et les bénédictines du Saint-Sacrement et de la rue Neuve-Sainte-Geneviève la portaient blanche, et avaient de plus sur la poitrine un saint-sacrement d’environ trois pouces de haut en vermeil ou en cuivre doré. Les religieuses du Petit-Picpus ne portaient point ce saint-sacrement. L’Adoration Perpétuelle, commune à la maison du Petit-Picpus et à la maison du Temple, laisse les deux ordres parfaitement distincts. Il y a seulement ressemblance pour cette pratique entre les dames du Saint-Sacrement et les bernardines de Martin Verga, de même qu’il y avait similitude, pour l’étude et la glorification de tous les mystères relatifs à l’enfance, à la vie et à la mort de Jésus-Christ, et à la Vierge, entre deux ordres pourtant fort séparés et dans l’occasion ennemis : l’Oratoire d’Italie, établi à Florence par Philippe de Néri, et l’Oratoire de France, établi à Paris par Pierre de Bérulle. L’Oratoire de Paris prétendait le pas, Philippe de Néri n’étant que saint, et Bérulle étant cardinal.

Revenons à la dure règle espagnole de Martin Verga.

Les bernardines-bénédictines de cette obédience font maigre toute l’année, jeûnent le carême et beaucoup d’autres jours qui leur sont spéciaux, se relèvent dans leur premier sommeil depuis une heure du matin jusqu’à trois pour lire le bréviaire et chanter matines, couchent dans des draps de serge en toute saison et sur la paille, n’usent point de bains, n’allument jamais de feu, se donnent la discipline tous les vendredis, observent la règle du silence, ne se parlent qu’aux récréations, lesquelles sont très courtes, et portent des chemises de bure pendant six mois, du 14 septembre, qui est l’exaltation de la sainte-croix, jusqu’à Pâques. Ces six mois sont une modération ; la règle dit toute l’année ; mais cette chemise de bure, insupportable dans les chaleurs de l’été, produisait des fièvres et des spasmes nerveux. Il a fallu en restreindre l’usage. Même avec cet adoucissement, le 14 septembre, quand les religieuses mettent cette chemise, elles ont trois ou quatre jours de fièvre. Obéissance, pauvreté, chasteté, stabilité sous clôtures voilà leurs vœux, fort aggravés par la règle.

La prieure est élue pour trois ans par les mères, qu’on appelle mères vocales parce qu’elles ont voix au chapitre. Une prieure ne peut être réélue que deux fois, ce qui fixe à neuf ans le plus long règne possible d’une prieure.