Aller au contenu

Page:Hugo - Œuvres complètes, Impr. nat., Roman, tome V.djvu/245

La bibliothèque libre.
Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.
233
LE FOND DE LA QUESTION.

surface, et en maintenant toujours la distinction entre la forme émeute et le fond insurrection.

Ce mouvement de 1832 a eu, dans son explosion rapide et dans son extinction lugubre, tant de grandeur que ceux-là mêmes qui n’y voient qu’une émeute n’en parlent pas sans respect. Pour eux, c’est comme un reste de 1830. Les imaginations émues, disent-ils, ne se calment pas en un jour. Une révolution ne se coupe pas à pic. Elle a toujours nécessairement quelques ondulations avant de revenir à l’état de paix comme une montagne en redescendant vers la plaine. Il n’y a point d’Alpes sans Jura, ni de Pyrénées sans Asturies.

Cette crise pathétique de l’histoire contemporaine que la mémoire des parisiens appelle l’époque des émeutes, est à coup sûr une heure caractéristique parmi les heures orageuses de ce siècle.

Un dernier mot avant d’entrer dans le récit.

Les faits qui vont être racontés appartiennent à cette réalité dramatique et vivante que l’historien néglige quelquefois, faute de temps et d’espace. Là pourtant, nous y insistons, là est la vie, la palpitation, le frémissement humain. Les petits détails, nous croyons l’avoir dit, sont, pour ainsi parler, le feuillage des grands événements et se perdent dans les lointains de l’histoire. L’époque dite des émeutes abonde en détails de ce genre. Les instructions judiciaires, par d’autres raisons que l’histoire, n’ont pas tout révélé, ni peut-être tout approfondi. Nous allons donc mettre en lumière, parmi les particularités connues et publiées, des choses qu’on n’a point sues, des faits sur lesquels a passé l’oubli des uns, la mort des autres. La plupart des acteurs de ces scènes gigantesques ont disparu ; dès le lendemain ils se taisaient ; mais ce que nous raconterons, nous pourrons dire : nous l’avons vu. Nous changerons quelques noms, car l’histoire raconte et ne dénonce pas, mais nous peindrons des choses vraies. Dans les conditions du livre que nous écrivons, nous ne montrerons qu’un côté et qu’un épisode, et à coup sûr le moins connu, des journées des 5 et 6 juin 1832 ; mais nous ferons en sorte que le lecteur entrevoie, sous le sombre voile que nous allons soulever, la figure réelle de cette effrayante aventure publique.