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Page:Hugo - Œuvres complètes, Impr. nat., Roman, tome VIII.djvu/475

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IMPARTIALITÉ.

tible, attentive, patriotiquement défiante. C’est elle qui, à la fin du dix-septième siècle, par l’acte dixième de l’an 1694, ôtait au bourg de Stockbridge, en Southampton, le droit de députer au parlement, et forçait les communes à casser l’élection de ce bourg, entachée de fraude papiste. Elle avait imposé le test à Jacques, duc d’York, et sur son refus l’avait exclu du trône. Il régna cependant, mais les lords finirent par le ressaisir et par le chasser. Cette aristocratie a eu dans sa longue durée quelque instinct de progrès. Une certaine quantité de lumière appréciable s’en est toujours dégagée, excepté vers la fin, qui est maintenant. Sous Jacques II, elle maintenait dans la chambre basse la proportion de trois cent quarante-six bourgeois contre quatrevingt douze chevaliers ; les seize barons de courtoisie des Cinq-Ports étant plus que contre-balancés par les cinquante citoyens des vingt-cinq cités. Tout en étant très corruptrice et très égoïste, cette aristocratie avait, en certains cas, une singulière impartialité. On la juge durement. Les bons traitements de l’histoire sont pour les communes ; c’est à débattre. Nous croyons le rôle des lords très grand. L’oligarchie, c’est de l’indépendance à l’état barbare, mais c’est de l’indépendance. Voyez la Pologne ; royaume nominal, république réelle. Les pairs d’Angleterre tenaient le trône en suspicion et en tutelle. Dans mainte occasion, mieux que les communes, les lords savaient déplaire. Ils faisaient échec au roi. Ainsi, en 1694, année remarquable, les parlements triennaux, rejetés par les communes parce que Guillaume III n’en voulait pas, avaient été votés par les pairs. Guillaume III, irrité, ôta le château de Pendennis au comte de Bath, et toutes ses charges au vicomte Mordaunt. La chambre des lords, c’était la république de Venise au cœur de la royauté d’Angleterre. Réduire le roi au doge, tel était son but, et elle a fait croître la nation de tout ce dont elle a fait décroître le roi.

La royauté le comprenait et haïssait la pairie. Des deux côtés on cherchait à s’amoindrir. Ces diminutions profitaient au peuple en augmentation. Les deux puissances aveugles, monarchie et oligarchie, ne s’apercevaient pas qu’elles travaillaient pour un tiers, la démocratie. Quelle joie ce fut pour la cour, au siècle dernier, de pouvoir pendre un pair, lord Ferrers !

Du reste, on le pendit avec une corde de soie. Politesse.

On n’eût pas pendu un pair de France. Remarque altière que fit le duc de Richelieu. D’accord. On l’eût décapité. Politesse plus grande. Montmorency-Tancarville signait : Pair de France et d’Angleterre, rejetant ainsi la pairie anglaise au second rang. Les pairs de France étaient plus hauts et moins puissants, tenant au rang plus qu’à l’autorité, et à la préséance plus qu’à la domination. Il y avait entre eux et les lords la nuance qui sépare la vanité de l’orgueil. Pour les pairs de France, avoir le pas sur les princes étrangers, précéder les grands d’Espagne, primer les patrices de Venise, faire asseoir