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Page:Hugo - Œuvres complètes, Impr. nat., Roman, tome VIII.djvu/82

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L'HOMME QUI RIT

combiné avec la rotation terrestre et l’attraction sidérale, peut seul expliquer.

Ne faut-il pas cette complication mystérieuse pour rendre raison d’une oscillation du vent allant, par exemple, par l’ouest, du sud-est au nord-est, puis revenant brusquement, par le même grand tour, du nord-est au sud-est, de façon à faire en trente-six heures un prodigieux circuit de cinq cent soixante degrés, ce qui fut le prodrome de la tempête de neige du 17 mars 1867 ?

Les vagues de tempête de l’Australie atteignent jusqu’à quatrevingts pieds de hauteur ; cela tient au voisinage du pôle. La tourmente en ces latitudes résulte moins du bouleversement des souffles que de la continuité des décharges électriques sous-marines ; en l’année 1866, le câble transatlantique a été régulièrement troublé dans sa fonction deux heures sur vingt-quatre, de midi à deux heures, par une sorte de fièvre intermittente. De certaines compositions et décompositions de forces produisent les phénomènes, et s’imposent aux calculs du marin à peine de naufrage. Le jour où la navigation, qui est une routine, deviendra une mathématique, le jour où l’on cherchera à savoir, par exemple, pourquoi, dans nos régions, les vents chauds viennent parfois du nord et les vents froids du midi, le jour où l’on comprendra que les décroissances de température sont proportionnées aux profondeurs océaniques, le jour où l’on aura présent à l’esprit que le globe est un gros aimant polarisé dans l’immensité, ayant deux axes, un axe de rotation et un axe d’effluves, s’entrecoupant au centre de la terre, et que les pôles magnétiques tournent autour des pôles géographiques ; quand ceux qui risquent leur vie voudront la risquer scientifiquement, quand on naviguera sur de l’instabilité étudiée, quand le capitaine sera un météorologue, quand le pilote sera un chimiste, alors bien des catastrophes seront évitées. La mer est magnétique autant qu’aquatique ; un océan de forces flotte, inconnu, dans l’océan de flots ; à vau-l’eau, pourrait-on-dire. Ne voir dans la mer qu’une masse d’eau, c’est ne pas voir la mer ; la mer est un va-et-vient de fluide autant qu’un flux et reflux de liquide ; les attractions la compliquent plus encore peut-être que les ouragans ; l’adhésion moléculaire, manifestée, entre autres phénomènes, par l’attraction capillaire, microscopique pour nous, participe, dans l’océan, de la grandeur des étendues ; et l’onde des effluves, tantôt aide, tantôt contrarie l’onde des airs et l’onde des eaux. Qui ignore la loi électrique ignore la loi hydraulique ; car l’une pénètre l’autre. Pas d’étude plus ardue, il est vrai, ni plus obscure ; elle touche à l’empirisme comme l’astronomie touche à l’astrologie. Sans cette étude pourtant, pas de navigation.

Cela dit, passons.

Un des composés les plus redoutables de la mer, c’est la tourmente de