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Page:Hugo - Œuvres complètes, Impr. nat., Théâtre, tome I.djvu/445

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CARR.
Dans l’air que le zéphyr t’apporte !
Dans le ciel de ton lit ! dans le seuil de ta porte !

Sois maudit !

CROMWELL.
Est-ce tout, enfin ?

CARR.
Non. Sois maudit !

CROMWELL.
Vous vous déchirerez les poumons. — Tout est dit ? —

Écoutez-moi. Frappé d’une ancienne disgrâce,
Vous êtes en prison. Frère, je vous fais grâce.
Allez. Je romps vos fers.

CARR.
Et de quel droit, tyran ? —
Commets-tu pas assez d’iniquités par an ?

De tes forfaits encor veux-tu grossir la liste ?
Pourquoi viens-tu frapper ma tour de ta baliste ?
M’arracher aux cachots où mes jours sont plongés !
Mais pour rompre mes fers, dis, les as-tu forgés ?
Tu m’accordes ma grâce ! — Ha ! despote implacable !
Comme ta rage, il faut que ta clémence accable !
Par le long-parlement je fus mis en prison.
Je l’avais mérité par une trahison ;
J’avais du joug sacré repoussé les entraves ;
J’avais marqué deux parts dans le butin des braves.
Je suis puni. Je vis dans le fond d’une tour
Où des barreaux croisés emprisonnent le jour ;
L’araignée à mon lit suspend sa toile frêle
Où la chauve-souris embarrasse son aile ;
Du sépulcre la nuit j’entends sourdre le ver ;
J’ai faim ; j’ai soif ; l’été, j’ai chaud ; j’ai froid, l’hiver.
C’est bien fait. Je me courbe, et je donne l’exemple.
Mais toi, Noll, de quel droit viens-tu toucher au temple ?
En dois-tu seulement déranger un pilier ?
Ce qu’ont lié les saints, le peux-tu délier?
D’ailleurs efface-t-on les traces de la foudre?
Les saints m’ont condamné, nul n’a droit de m’absoudre ;